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l’initiative des hostilités contre son chef, qu’il travaillait avec une ambition jalouse à ruiner l’influence de Saïd-Pacha par tous les moyens, même par des correspondances envoyées à des journaux étrangers. Toujours est-il que la rupture a éclaté dans une scène violente à la suite de laquelle Saïd-Pacha s’est rendu auprès du sultan, mettant aussitôt le souverain dans l’obligation de choisir entre le grand-vizir et le sous-secrétaire d’état émancipé jusqu’à traiter de puissance à puissance avec son chef. Ce qui donne une certaine valeur, peut-être une certaine portée à cet incident intime de cour, c’est qu’Artin-Effendi-Dadian était, dit-on, un favori du sultan, qu’il avait sa gagner la confiance du souverain et se créer quelque influence au palais ; sa disgrâce devait coûter au maître. Le sous-secrétaire d’état a été néanmoins congédié au premier moment ; le sultan a cédé au grand-vizir !

La victoire de Saïd-Pacha semblait complète, mais la fortune n’a pas tardé à changer, et à peine le grand-vizir avait-il eu raison de son ennemi, il s’est vu à son tour menacé. Des bruits de conspiration contre la sûreté de l’état, contre le sultan lui-même ont commencé à courir à Constantinople. Ces bruits avaient-ils quelque apparence de fondement ? Il s’est trouvé là fort à propos une affaire de Circassiens, une conspiration plus ou moins sérieuse dont un des chefs aurait été Ahmet-Bey, attaché, lui aussi, au cabinet du sultan, et il y a eu par le fait un assez grand nombre d’arrestations. Cela prouve tout simplement que les intrigues de toute sorte se croisent à Constantinople. La seule question sérieuse est de savoir si la position du grand-vizir n’en sera pas ébranlée et si la Turquie n’aura pas, elle aussi, ses crises ministérielles, lorsque le gouvernement ottoman pourrait certes mieux employer son temps à la réforme de son administration, à la pacification des provinces de l’empire livrées encore à l’anarchie.

Heureux encore sont les peuples qui, au milieu de leurs affaires politiques, de leurs divisions intestines, n’ont pas à subir de ces fléaux qui échappent au pouvoir comme à la prévoyance des hommes ! L’Espagne vient justement d’être frappée d’un de ces coups inattendus au moment où l’animation renaissait dans la vie publique à Madrid, où les partis se préparaient pour les luttes parlementaires rouvertes aux derniers jours de l’année, et on ne peut pas dire que cette session nouvelle, inaugurée le 27 décembre au-delà des Pyrénées, commence dans des conditions des plus favorables. Elle s’ouvre tout à la fois, et par des discussions passionnées sur la politique du ministère, et par ces tremblemens de terre qui viennent de ravager les provinces méridionales, qui ont détruit des villes et fait déjà d’innombrables victimes : de sorte que tout se mêle, les ardeurs des partis et les désastres publics, dans les affaires de l’Espagne, à ce débat d’une session nouvelle.

Politiquement, sans doute, Il n’y a rien de grave au-delà des