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vacances produites par une cause quelconque dans tous les corps, jusqu’au grade de chef de bataillon inclusivement ; ce fut un de ses premiers soins. Ainsi purent être reconnus, au moins dans la partie la plus nombreuse de l’armée, des services et des mérites qui, à tous les degrés de la hiérarchie, attendaient depuis la prise d’Alger leur légitime récompense. Il y avait d’ailleurs urgence à reconstituer les cadres au profit du bon ordre et de la discipline.

La création d’une 4e division avait été d’autant plus étrange que le général Clauzel était arrivé avec l’ordre de renvoyer en France une partie de l’armée. Le mouvement commença, le 23 septembre, par l’embarquement du 1er régiment de marche ; le 2e suivit bientôt, puis le 3e de ligne, le 48e, le 49e. Le général Berthezène s’embarqua le 22 octobre ; il ne fut pas remplacé dans le commandement de la 1re division. Soit pour combler en partie ces vides, soit pour s’éclairer dans un pays inconnu, le général Clauzel entreprit de former un corps de troupes indigènes. C’était un projet que le maréchal de Bourmont avait conçu, mais que le temps et les événemens ne lui avaient pas permis de mener à fin. Déjà, par ses ordres et par les soins de l’agha, quelques centaines de volontaires s’étaient présentés à la fin du mois d’août, gens de toute origine et de toute condition, coulouglis, nègres, Arabes, Biskris, Kabyles ; entre ceux-ci, les plus considérés étaient des Zouaoua, qui passaient pour les meilleurs fantassins de la régence ; ils eurent l’honneur de donner leur nom au corps improvisé par le général Clauzel. Ranger, plier à la discipline française des hommes habitués à l’indépendance, totalement étrangers à nos usages et à notre langue, la tâche était rude, mais faite pour exciter les ambitions généreuses. Les candidats ne manquèrent pas ; il en vint de toutes les armes. L’avantage fait aux élus n’était pas sans importance ; ils obtenaient immédiatement le grade supérieur à celui qu’ils avaient au moment de leur nomination, et avec la promesse de le conserver si, après deux ans de service aux zouaves, ils demandaient à rentrer dans leurs anciens corps. Cette clause ne passa pas sans difficulté ; elle ameuta les compétitions, irrita les jalousies, souleva des discussions orageuses. Le calme était loin d’être rétabli lorsque parut, à la date du 1er octobre, l’arrêté du général en chef portant création du corps des zouaves. Un premier bataillon, A la tête duquel était appelé le capitaine d’état-major Maumet, devait être constitué à huit compagnies ; mais il n’y en avait que trois de formées ; une quatrième était en formation. Formation sur le papier, répétaient les esprits chagrins ; nulle solidité, nul avenir ; bien fous les aventureux qui, pour s’y fourvoyer, ont quitté leurs corps ! ils apprendront bientôt à leurs dépens ce que c’est que de lâcher la proie