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conserver les droits acquis, tandis que M. Papineau et ses partisans ne voulaient plus ceux qu’ils possédaient. « Le résultat serait différent ; l’histoire est un sûr moniteur ; elle nous enseigne que les conséquences sont conformes aux principes. » L’amendement de M. Neilson ne réunit que 24 suffrages contre 56. L’assemblée invita les Canadiens à former partout des comités pour correspondre avec MM. Hume et O’Connell, chargea M. Morin de porter à M. Viger les pétitions destinées aux chambres anglaises. Peu après, comme elle ne se trouvait plus en nombre pour délibérer, le gouverneur prorogea la session en observant que, puisqu’on en avait appelé au parlement, chaque parti devrait se soumettre à son autorité suprême.

Dès lors, les événemens se multiplient, se précipitent vers le dénoûment. A Londres, MM. Roebuck, Hume, O’Connell, prennent la défense des Canadiens et leur conseillent de ne pas reculer d’un pas, de réveiller le peuple. M. Hume ayant publié une lettre violente dans les journaux anglais, M. Spring Rice le blâma en ces termes d’entretenir ainsi de fausses espérances : « Il ne convient point à un homme qui parle sans danger dans l’enceinte des communes de donner des conseils qui peuvent causer tant de mal à l’Angleterre et au Canada. Si l’on a recours aux armes, j’espère que les lois puniront ceux qui auront pris part à la conspiration. » Un ministère tory ayant succédé au ministère whig, sir Robert Peel et lord Aberdeen annoncent qu’ils vont envoyer un nouveau gouverneur revêtu du titre de commissaire royal. Ils tombent du pouvoir en 1835 ; mais lord Melbourne et lord Russell reprennent ce projet et nomment lord Gosford en lui adjoignant deux sous-commissaires. Ceux-ci trouvent le Canada en pleine effervescence : comités permanens, démonstrations populaires, pétitions contre pétitions, banquets, discours de M. Papineau et de ses amis, discours de l’Association constitutionnelle, guidée par MM. Walker et Neilson ; bref l’appareil classique et le prélude obligé des crises révolutionnaires. Les élections générales ont eu lieu en 1834 au milieu de troubles graves, et les adversaires des quatre-vingt-douze sont restés sur le carreau ; mais la session a été l’occasion d’un second schisme politique, M. Bedard, chef des nouveaux dissidens ou de la petite famille, comme on disait alors, estimant qu’on donnait prise à la faction oligarchique en suspendant entièrement le cours des affaires. Ils furent sévèrement traités par le dictateur de la majorité, M. Papineau ; dans ses harangues aux électeurs, celui-ci recommandait de ne point se servir de produits anglais et flétrissait ceux qui avaient dépouillé le capot gris des Canadiens pour endosser la livrée dorée du château : « L’or est le dieu qu’adorent nos ennemis ; tuons leur dieu, et nous les convertirons à un