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complications nouvelles surgissent : enquêtes contre de hauts fonctionnaires concussionnaires, expulsion réitérée de M. Christie député de Gaspé, emprisonnement de MM. Tracey et Duverney, décrétés par le conseil législatif, qu’ils avaient vivement pris à partie dans la Minerve et le Vindicator ; élection tumultueuse d’un député à Montréal qui coûta la vie à plusieurs Canadiens-Français, et dont l’odieux rejaillit sur le conseil exécutif, « qui, dit-on, savait si bien choisir ses victimes ; » ravages terribles du choléra asiatique, dont on rendit l’Angleterre responsable, parce qu’elle avait envoyé cinquante-deux mille émigrans qui portaient avec eux le germe du fléau. Les assemblées populaires se multiplient, les jeunes gens arborent la cocarde tricolore, et, après l’arrestation de MM. Tracey et Duverney, une procession parcourt les rues de Québec en chantant la Marseillaise et la Parisienne. Les sincères efforts de lord Goderich, ministre des colonies, ont le sort de ces concessions trop longtemps réclamées qui paraissent insuffisantes et dérisoires : c’est en vain qu’il ajoute au conseil législatif onze nouveaux membres, dont huit Canadiens-Français ; en vain qu’il fait passer une loi permettant à la législature de disposer de tout le revenu provincial, moyennant une liste civile de 19,000 livres. Emportée par le démon de l’absolu, la majorité de la chambre continue à réclamer un conseil législatif électif, tandis que celui-ci vote une adresse où, après avoir dépeint le pays comme marchant à une anarchie rapide, il cherche à justifier le gouverneur, l’oligarchie et lui-même, proclame son existence, dans sa forme présente, essentielle au maintien de la prérogative royale, de l’alliance du Canada avec l’Angleterre, ajoutant que les effets immédiats d’un changement si funeste seraient d’amener un conflit avec le Haut-Canada, et « d’inonder le pays de sang ; » car le Haut-Canada ne laisserait pas s’établir « une république française » entre lui et l’océan.

Tous les Canadiens ne partageaient pas l’entraînement de M. Papineau : déjà MM. Neilson, Quesnel, Cuvillier, avaient cru devoir se séparer de lui, parce que les concessions de lord Goderich leur semblaient propres à faciliter un concordat politique et à préparer de nouvelles réformes. Malheureusement cet homme d’état fut remplacé par M. Stanley, partisan avéré de l’anglification, et tout espoir de transaction disparut avec lui. A l’ouverture de la session de 1834, session fameuse dans les fastes parlementaires du Bas-Canada, lord Aylmer communiqua à l’assemblée deux messages du ministre des colonies ; dans l’un, M. Stanley repoussait avec hauteur l’adresse des représentans au sujet du conseil législatif, adresse dans laquelle sa majesté « avait bien voulu ne voir qu’une extrême légèreté ; » il continuait en disant que, si le parlement se voyait forcé par les événemens d’user de sa puissance