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le lieutenant-gouverneur Burton s’appliqua et réussit à éviter les conflits ; mais l’absence de Dalhousie n’était, en quelque sorte, que la veillée des armes pour de nouveaux combats, et les politiques avisés comprenaient qu’il fallait se garder de noyer ses poudres et rester en ordre de bataille. Bientôt, en effet, on apprit que lord Bathurst persistait à nier à la chambre la faculté de disposer de tout le revenu ; en même temps, par une inconséquence révoltante, les lords de la trésorerie faisaient savoir au parlement canadien qu’ils ne se croyaient point tenus de dédommager la province des pertes que l’insolvabilité de Caldwell avait occasionnées : on ne lui reconnaissait que la faculté de payer sans lui permettre de contrôler l’emploi de son argent, tandis que le conseil exécutif jouissait d’une véritable omnipotence financière et n’encourait aucune responsabilité.

Forts de leur bon droit, les représentans votèrent les subsides en 1826 et 1827 dans la même forme qu’en 1825. Le gouverneur prorogea les chambres, et son discours, qui contenait une véritable mercuriale pour les députés, fut suivi d’une dissolution. Ils lui répondirent par une adresse à leurs électeurs, sorte d’appel au peuple, qui obtint un grand retentissement : les habitans des campagnes commencèrent à s’assembler, la polémique des journaux prit un caractère violent. Lord Dalhousie déploya une activité dévorante, remit en vigueur les anciennes ordonnances sur la milice, destitua beaucoup d’officiers, fit arrêter et poursuivre M. Waller, rédacteur du Canadian Spectator. Maintes fois déjà, les Canadiens avaient repoussé à coups de poing et à coups de pied des gens armés de pierres et de gourdins, qui, dans les polls, cherchaient à effrayer les électeurs ; système emprunté aux élections américaines où le bâton, le couteau, le revolver jouent un rôle si important. De même, en 1827, il y eut des rixes à Montréal, à Sorel, à Saint-Eustache : « Les élections sont finies, écrivit le rédacteur du Canadian Spectator ; les amis du roi, de la constitution et du pays ont emporté une victoire complète ; les employés de lord Dalhousie et l’administration elle-même ont été partout et hautement désapprouvés. »

Les chambres se réunirent le 20 novembre, et, par 39 voix contre 5, l’assemblée choisit pour président M. Papineau. Le lendemain elle retourna dans la salle du conseil législatif, où elle trouva le gouverneur assis sur son trône, entouré d’un nombreux état-major. M. Papineau l’ayant informé officiellement de son élection, le président du conseil répondit que son excellence désapprouvait ce choix et enjoignait à la chambre d’en faire un autre. Aussitôt rentrée dans sa salle de séances, celle-ci vota, sur la proposition de