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LES
COMMENCEMENS D'UNE CONQUÊTE

I.
LE GÉNÉRAL CLAUZEL EN ALGÉRIE.
SEPTEMBRE 1830 — FÉVRIER 1831.


I

Le vendredi 9 juillet 1830, le canon des Invalides avait annoncé aux Parisiens la prise d’Alger, et les Parisiens avaient illuminé ; mais, tout en applaudissant à ce glorieux succès de l’expédition d’Afrique, ils confondaient dans une même défiance le gouvernement qui l’avait ordonnée, le général qui l’avait conduite, et les sol¬dats qui l’avaient faite. L’armée d’Afrique était suspecte et impopu¬laire. Trois semaines plus tard, la révolution était triomphante ; loin d’apaiser ses soupçons et ses haines, le triomphe ne fit que les exaspérer. Les imputations les plus ridicules, les accusations les plus odieuses, propagées par les journaux, étaient acceptées sans contrôle et, traversant la Méditerranée, venaient atteindre les conquérans d’Alger au sein même de leur conquête. Si les gens de cœur avaient pu mépriser d’abord ces calomnies lointaines, il ne leur fut plus permis de s’en tenir au dédain quand ils se virent en face de juges prévenus. Le 2 septembre, Alger eut en raccourci, mais au rebours, le spectacle étrange qui avait surpris les Parisiens au mois d’avril 1814 : ce fut le débarquement du général Clauzel et de son état-major, tous anciens officiers de l’empire, bariolés de