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la population de l’empire allemand.

et de l’anse d’Angra Pequeña, près de la colonie anglaise du Cap, en même temps que les demandes de crédits soumises au Reichstag pour subventionner des lignes allemandes de paquebots dans l’extrême Orient et des établissemens commerciaux des îles Samoa, dans la mer du Sud.

À l’époque des grandes migrations, dans le mouvement des populations germaniques de la Pannonie, en remontant le Danube, à mesure qu’une tribu avançait, elle s’emparait du territoire nécessaire pour son établissement par une occupation pacifique ou par la force des armes. Les Germains admettaient comme un principe de droit de prendre de la terre dans la mesure de leurs besoins. Tout le pays pris en possession était consacré solennellement aux divinités nationales, aux esprits protecteurs des frontières, par des feux, des tournées, des sacrifices. Suivant l’usage établi, les envahisseurs n’enlevaient pas tout aux habitans de la contrée dont ils s’emparaient. Ils leur laissaient bien une partie du sol, un tiers du domaine, où ils les cantonnaient. Dès lors, leurs chefs mettaient en pratique la maxime de la ballade du Roi des aulnes, en saisissant par la violence ce qu’ils ne pouvaient obtenir autrement :


Bist du nicht willig,
So brauch ich Gewalt.


Mais, en revanche, ils s’attribuaient un droit imprescriptible sur tout ce qui avait une fois été en leur possession, même après avoir quitté les terres occupées. Procope raconte l’histoire d’une députation de Vandales, restée dans leur patrie après le départ de la masse du peuple, qui alla à Carthage demander à Genséric d’abandonner ses prétentions sur le pays d’origine parce qu’ils ne pouvaient pas le défendre : l’assemblée des guerriers allait donner satisfaction à cette prière sans le conseil d’un ancien qui en détourna le peuple pour le motif qu’il ne savait pas s’il ne faudrait pas retourner un jour sur les territoires abandonnés. On sait aussi comment une horde de Saxons, partis pour l’Italie avec leurs voisins les Langobards, revinrent après un certain temps et trouvèrent leur pays au pied du Harz occupés par les Thuringiens, qu’ils sommèrent de se retirer. Les Thuringiens offrirent le tiers, puis la moitié, enfin les deux tiers du sol, avec le bétail qui s’y trouvait. Pourtant les Saxons ayant revendiqué la propriété du tout, les deux peuplades en vinrent aux armes et la lutte se termina par l’extermination à peu près complète des réimmigrans.

Par la force des choses, le besoin de vivre, ou la lutte pour l’existence, obligera encore les Allemands à se répandre au-delà des limites actuelles de leur empire dans l’avenir. En attendant, le mouvement