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IV

Nous avons indiqué le mal, il nous reste à parler du remède. Notre conclusion sera très nette et très brève. Le remède ne peut se trouver que dans le retour aux principes, puisque le mal est venu de leur abandon.

La chambre des députés ne peut manquer de s’apercevoir, si elle veut réfléchir, qu’en s’emparant d’une des principales attributions du ministère, elle a désorganisé nos finances. Le ministère, d’ailleurs, doit le lui faire comprendre. Il faut que la commission du budget cesse de préparer le budget et qu’elle se borne à mettre la chambre à même de le juger. Le système des rapports séparés et des monographies n’a plus aucune raison d’être ; il faut les supprimer. Les députés doivent aujourd’hui connaître les affaires, ou ils ne les connaîtront jamais ; il ne faut plus qu’ils fassent leur apprentissage aux frais du pays. Un seul rapporteur doit signaler les points de désaccord qui existent entre le cabinet et la commission, et il est temps de mettre fin à ces pourparlers interminables que les sous-commissions engagent avec les ministères. C’est à la tribune que toutes les opinions, que toutes les solutions, doivent se produire. Le pays est fatigué des discussions à huis-clos qui se prolongent indéfiniment dans le sein de la commission du budget, discussions que la presse rapporte sommairement et le plus souvent avec peu d’exactitude.

Avec cent trente jours de moins en commission et vingt jours de plus en séance publique, le pays serait mis au courant de ses affaires dans des conditions bien meilleures, et il n’aurait plus à redouter cette sorte de gouvernement occulte et sans responsabilité qui pèse sur nos finances et jette tant d’inquiétudes dans les esprits. Le cabinet seul peut amener la chambre à renoncer à ses déplorables précédens, mais il faut d’abord la persuader qu’il est résolu lui-même à faire cesser la confusion des pouvoirs, qu’il a la volonté de défendre ses attributions, qu’il a une foi sincère dans la sagesse de nos institutions financières et qu’il ne considère pas ceux qui en défendent les principes comme les adversaires du gouvernement républicain.

Le cabinet ne doit pas oublier que, dans des circonstances comme celles que nous traversons, il faut tout sacrifier à l’intérêt de nos finances, car si les finances de la France étaient détruites, notre pays serait réduit au rang des dernières puissances.


Léon SAY.