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de modération. On a même pu lui dire, sans qu’elle montrât de colère, — c’était il est vrai, après sa faute, en 1882, — qu’elle se trompait en croyant qu’une politique financière de laisser-aller et d’apparences était une politique démocratique. Il y avait de la bonne humeur dans la discussion. On a pu d’ailleurs constater en 1883 que les ministres n’étaient pas toujours impuissans, et on a vu M. Raynal obtenir de la chambre à force de bon sens, d’adresse et d’éloquence, qu’elle en finit avec la question des chemins de fer et qu’elle consentit à sacrifier sur cette question ses préjugés au bien public.

Mais le parti qui poursuit la destruction du pouvoir ministériel, et qui accepte volontiers un cabinet autoritaire à la condition qu’il n’ait pas d’autorité, n’a pas cessé de tenir la campagne, faussant tous les ressorts de l’administration financière et profitant, pour arrivera ses fins, des entraînemens naturels d’une chambre qui croit porter dans ses flancs la république tout entière, et qui, dès lors, est souvent prête à sacrifier les principes à des nécessités électorales. C’est ainsi que de graves changemens ont été apportés peu à peu à notre système financier. Les précédens, les usages, ont fini par modifier de fond en comble les règles qui présidaient autrefois à la préparation du budget.

C’est, il faut en convenir, une victoire signalée pour nos adversaires et peut-être n’est-il pas inutile d’en faire ressortir toute l’importance. Il ne faut pas, en effet, se faire d’illusions. La commission du budget s’est donné à elle-même pour première attribution de préparer le budget. Ou en faisait autrefois le principal devoir de l’administration. La préparation commençait quinze mois environ avant l’ouverture de l’exercice dont on s’occupait et durait de quatre à cinq mois. Le ministre des finances ouvrait la période préparatoire par une circulaire adressée à tous les membres du cabinet ; il rappelait à chacun d’eux les obligations auxquelles il devait obéir en raison de circonstances spéciales. Dans chaque ministère, les bureaux se mettaient à l’œuvre et soumettaient, au bout de quelque temps, à leurs ministres respectifs un travail établi sur les bases et sur les données préalablement approuvées par chacun d’eux. Les ministres spéciaux envoyaient, après les avoir revus, leurs projets aussi complets que possible, au ministre des finances, qui les réunissait tous et constituait par cette réunion ce que je pourrais appeler un budget général brut. Ce budget brut n’était encore qu’un avant-projet ; les demandes des différens ministères avaient besoin d’être coordonnées ; il n’y avait pas de proportion entre elles ; souvent aussi le montant des dépenses atteignait un total trop élevé ; les opérations nouvelles au profit desquelles on voulait ouvrir des crédits n’étaient pas de nature à motiver des