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aux ministres, pour les dépenses, de se renfermer dans des limites déterminées, et qui leur interdit, pour les recettes, de réaliser des ressources, si ce n’est dans les limites et dans les conditions de la loi. Ce n’est pas à dire que les lois d’impôt soient annuelles, mais le droit de percevoir les impôts qui sont établis par des lois permanentes n’est donné aux ministres que pour un temps, au-delà duquel ils ne peuvent plus l’exercer.

En sus des prescriptions, des ordres impératifs, la loi de finances comprend une autre série de dispositions. Elle rapproche les sommes à dépenser des sommes à recevoir, et elle tire de ce rapprochement une conclusion. Cette conclusion est une sorte de proclamation, un engagement pris envers le pays d’administrer sagement les finances pendant l’année qui va s’ouvrir. Il y a dans cette proclamation, sous la forme d’un article de la loi de finances, une affirmation que le résultat qu’on recherche pour l’année dont on s’occupe est l’équilibre entre les dépenses et les recettes. Cette affirmation est la sanction du principe de l’unité. Un budget qui ne comprend pas cet article est incomplet. Il est incorrect au plus haut degré, car il semble ignorer que les pouvoirs publics ont reconnu quelles étaient les dépenses nécessaires, et qu’ils ont élevé ensuite au niveau de ces dépenses la somme de sacrifices à imposer à la nation. Ce que nos pères demandaient dans les états généraux, c’était, d’abord, de constater l’utilité des dépenses avant de consentir les subsides ; c’était ensuite d’obtenir des évaluations de recettes suffisamment élevées, afin que, sous couleur d’un petit impôt, on ne leur fit pas payer trop d’argent. Nous avons obtenu les résultats qu’ils cherchaient par la forme que nous avons donnée à nos budgets.

L’unité du budget est donc détruite quand les pouvoirs publics séparent le vote des recettes et celui des dépenses, et surtout quand ils procèdent au vote des recettes avant celui des dépenses. Les recettes ont une conséquence de la dépense, comme la nécessité de faire les fonds pour payer une facture est pour un particulier la conséquence des dépenses qu’il a faites chez son fournisseur.

Il ne suffit pas que le principe d’unité soit respecté dans les rapports du ministère avec le parlement, il faut par-dessus tout qu’il soit appliqué dans les rapports du parlement avec la nation. Il ne suffit pas que le gouvernement réunisse dans un document unique, gros volume de 2,000 pages, tout le budget avec les détails les plus complets, exposé des motifs, projet de loi, tableaux législatifs, développemens les plus minutieux et annexes nombreuses ; il ne suffit pas que le gouvernement ait réussi dans ses efforts et qu’il n’ait séparé ni les recettes des dépenses, ni le budget extraordinaire, s’il en existe, du budget général : il faut que toutes les garanties