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a laissé des mémoires très nombreux et très intéressans sur les finances de la convention et du directoire, n'a pas employé une seule fois dans ses écrits le mot de budget. On se contentait d'états qui étaient fort incomplets.

Pendant le premier empire, l'unité n'a pas plus existé que sous la république ; moins peut-être parce qu'on était obligé de pourvoir aux besoins par des expédiens successifs et qu'on perdait ainsi la possibilité d'avoir des vues d'ensemble, que pour se conformer aux désirs de l'empereur. Napoléon voulait rester le maître d'administrer à sa guise les sommes énormes que produisait la guerre. On a dit souvent que Napoléon avait rétabli l'ordre dans les finances, et cependant on ne trouve dans aucun document financier émanant de l'administration française un compte régulier, précis, complet, des capitaux qui ont servi à faire mouvoir les grandes armées de l'empire. Ainsi, fait étrange, il n’a jamais été passé dans les livres du Trésor français aucune écriture qui puisse servir à constater la recette des 80 millions de francs que la France a reçus des États-Unis pour la cession de la Louisiane.

Il n'y avait pas plus de comptabilité nationale pour tout ce qui concernait les dépenses de la guerre que pour tout ce qui concernait les réquisitions, les contributions et les rentrées de tout genre. A côté du budget de la France, et en dehors de ce budget, il y avait un budget de la conquête, qui, pour les dépenses comme pour les recettes, n'avait aucun lien avec le budget plus ou moins régulier qu'on soumettait encore aux tristes assemblées dont l'empereur avait toléré l'existence au-dessous de son trône.

C'est sous la restauration seulement et sur l'initiative du baron Louis que l'unité du budget est devenue un des principes de la politique financière dans le gouvernement parlementaire de notre pays. Il a fallu, pour arriver à constituer cette unité, faire les plus grands efforts. Les impôts étaient encore exploités sous l'influence des souvenirs historiques de la ferme. Le directeur général des droits réunis ou des contributions indirectes, assisté d'un conseil d'administration, n'avait eu qu'à remettre sur ses pieds la table du conseil autour de laquelle siégeaient autrefois les fermiers généraux. La régie administrait comme autrefois la ferme générale. Elle donnait au trésor un produit net ; les dépenses de perception étaient prélevées sur la recette parce qu'elles constituaient les frais d'une exploitation ; et la différence apparaissait seule, comme un produit industriel, dans l’état des ressources du pays. Il a fallu changer ces erremens et faire rentrer dans les dépenses de l'état ce qui était considéré auparavant comme les dépenses particulières d’une compagnie de fermiers, ou d'une administration de régisseurs. Peut-être même a-t-on poussé trop loin cette règle, qu'on a appelée la règle du produit brut ; on a