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L’Angleterre jette son dévolu sur l’Egypte, qui est pour elle le chemin des Indes. La France se débat au Tonkin et à Madagascar. M. de Bismarck n’a pas été le dernier à se jeter dans cette carrière, à suivre ou à donner l’exemple, et tandis que la conférence qu’il a réunie à Berlin, qui vient de prendre quelques jours de congé avant d’aller plus loin, s’occupe du Congo et du Niger il ne s’arrête pas, il poursuit ses conquêtes ; il ne se contente pas des quelques points de l’Afrique sur lesquels il a planté le drapeau allemand, il va jusqu’en Océanie, il cherche jusqu’aux extrémités des mers des îles sur lesquelles il puisse mettre la main. De toutes parts, sous toutes les formes, c’est la même idée d’extension coloniale qui semble particulière au moment présent. Il y a là évidemment un phénomène singulier, un héritage d’inconnu que l’année qui Unit lègue à l’année qui commence. C’est pour la politique du jour un élément assez nouveau qui échappe à tous les calculs.

Est-ce donc que les gouvernemens de l’Europe qui se laissent aller avec complaisance à ces idées ou qui suivent le mouvement n’aient pas dans leur propre domaine, dans leur vie intérieure, assez à faire pour leur sécurité, pour la fortune des peuples ? De tous les vieux états du continent, depuis la Russie jusqu’à l’Espagne, quel est celui qui n’a pas ses problèmes épineux à résoudre tt pourrait se flatter aujourd’hui d’entrer sans nul souci, sans des préoccupations assez sérieuses dans l’année nouvelle ? M. de Bismarck lui-même, qui va si loin à la recherche des îles inoccupées, ne trouve pas tout facile en Allemagne avec son parlement et ses socialistes. Il ne fait pas tout ce qu’il veut et il ne réussit pas à empêcher ce qui lui déplaît, ce qui n’est imaginé et proposé quelquefois que pour lui déplaire en lui rappelant que sa puissance a des bornes. Depuis quelques semaines, depuis l’ouverture de la session, les mécomptes se succèdent pour lui, et il n’est pas plus heureux avec le nouveau parlement qu’avec l’ancien. Vainement il paie de sa personne et multiplie les discours, vainement il est arrivé à Berlin un peu pour surveiller la conférence du Congo, un peu aussi sans doute pour imposer aux partis qui s’agitent dans le Reichstag : il n’en est plus à compter les échecs parlementaires. Jusqu’ici, depuis un mois, tout ce qu’il a combattu a été adopté, tout ce qu’il a proposé a été repoussé : c’est une guerre en règle qui se poursuit et se ravive à tout propos. Lorsque les progressistes ont proposé l’allocation d’une indemnité aux députés, M. de Bismarck s’est vivement opposé à cette libéralité des membres du Reichstag à leur propre bénéfice : la proposition n’a pas moins été adoptée par une majorité intéressée qui, à la vérité, ne faisait que répondre à une mesure récente par laquelle on a supprimé aux députés les permis de circulation sur les chemins de fer, sauf entre Berlin et leur district électoral. Lorsque le chef du centre catholique, M. Windthorst, a