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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



31 décembre.

Encore une fois nous voici ramenés, par l’invincible cours des choses, à la dernière heure d’une année expirante, à la première heure de l’année nouvelle, à ce moment unique, insaisissable, où il ne reste plus qu’à regretter le temps perdu et à faire des souhaits pour l’avenir.

C’est le destin des hommes et des peuples : pour tout ce qui vit, les années se succèdent et se pressent sans qu’on puisse les retenir, poussant le grand troupeau humain dissémine dans l’univers, partagé en nations de toute sorte, sur la route qui conduit vers l’éternel inconnu. A peine a-t-on franchi une étape, il faut aborder l’étape nouvelle, et tout ce qu’on peut faire avant de se remettre en marche, avant d’aller vers cet inconnu toujours fuyant, c’est de s’arrêter un instant pour mesurer du regard le chemin qu’on vient de parcourir, pour embrasser d’un dernier coup d’œil ce passé d’hier, où il y a souvent plus de bruit que d’œuvres sérieuses, plus de fautes et de mécomptes que d’espérances réalisées et de bien accompli. Ce que sera l’avenir, même l’avenir de demain, personne ne peut le dire, tant les événemens trompent parfois tous les calculs et tous les vœux ; ce qu’a été le passé d’hier, c’est déjà de l’histoire, et certes s’il y a eu dans des temps qui commencent à devenir lointains, des années heureuses, bienfaisantes, dignes de rester honorées dans la mémoire des hommes, celle qui s’achève aujourd’hui, il faut l’avouer, n’entre pas dans l’histoire d’une manière bien triomphante. Ce n’est pas qu’elle ait été marquée par des désastres caractérisés, par des crises violentes,