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talent en face du génie, — nous ne voyons pas que la morale ait pris une forme si supérieure, et la conduite humaine une face si diverse de celle qu’elle avait sous leur direction. Je le pourrais encore, mais je ne le fais point davantage. Je dis seulement à ceux qui, de nos jours, s’indignent si fort contre les casuistes et la casuistique : Avez-vous pour vous indigner les raisons de Pascal ? Acceptez-vous, comme lui, toute la sévérité, toute la rigidité, toute la dureté même du dogme janséniste ? Êtes-vous morts au monde, et, après avoir applaudi l’auteur des Provinciales, êtes-vous prêts à suivre celui des Pensées, et à le suivre jusqu’au bout ? Avez-vous brisé, dans un suprême effort, non-seulement toutes vos attaches « criminelles ou dangereuses, » mais encore les plus innocentes et les plus légitimes, sans en excepter celles que la nature et la loi semblaient s’être unies pour vous rendre sacrées ? Vous faites-vous une étude, ou plutôt une sombre volupté, de mortifier, un à un, tous vos sens, d’imposer chaque jour au nouveau sacrifice et d’arracher un nouveau gémissement à cette chair de péché ? Bénissez-vous enfin, comme une marque assurée de la grâce divine ou comme une promesse anticipée de salut éternel, maladies, douleurs, afflictions, toutes les « croix » que Dieu vous envoie ? Alors, je le veux bien, indignez-vous, indignons-nous ensemble contre Reginald et Bauny, contre Lessius et Coninck, contre Vasquez et Villalobos ; mêlons, si nous le pouvons, sur la trace de Pascal, contre ces lâches chrétiens, toute l’ironie dont nous sommes capables à toute l’éloquence dont il nous a légué l’impérissable modèle ; recombattons le combat des Provinciales et renouvelons-en la victoire. Mais si peut-être, de Pascal et du jansénisme, nous n’avons retenu que l’utilité dont leur grand nom nous sert encore dans une lutte ou eux-mêmes, revenant parmi nous, seraient au premier rang contre nous ; hommes de peu de foi ou par faits incrédules, si nous nous jouons ainsi de la simplicité des âmes pieuses, en leur demandant de nous aider à la ruine de leurs propres croyances ; épicuriens de décadence enfin, si nous refuserions de régler notre vie, je ne dis pas sur celle, mais sur les leçons seulement des casuistes, et si nous nous accommoderions aussi peu de la « complaisance » et du « relâchement » d’Escobar que de l’austérité de Port-Royal ; alors, ayons l’indignation moins prompte et surtout plus modeste ; gardons nos colères pour une autre et plus propice occasion ; réservons notre faible éloquence à de meilleure usages ; — et ne crions pas tant au jésuite, encore moins au Tartufe, quand c’est nous aujourd’hui qui le sommes.


F. BRUNETIERE.