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rare et qu’on voulait -ménager le salpêtre et le soufre, il lui était interdit d’employer l’acide sulfurique nécessaire alors à la préparation de l’hydrogène. Conté tourna la difficulté en fabriquant ce gaz par voie sèche, par l’action de la vapeur d’eau sur du fer rouge. Il y avait une autre difficulté, celle de rendre l’enveloppe de ballons parfaitement imperméable à ce gaz si peu coercible. Alors Conté inventa un vernis si parfait que le ballon pouvait être transporté tout gonflé à la suite de l’armée et s’élever où l’on voulait. Il fit plus encore en imaginant une télégraphie spéciale qui tenait l’aéronaute en communication constante avec la terre par des signaux qui formaient un alphabet complet. On sait que la direction de ces ballons fut confiée à un officier de mérite nommé Coutelle, et qu’à la bataille de Fleurus Coutelle fit connaître tous les mouvemens de l’armée ennemie et contribua au gain de la bataille.

Nous ne nous étendrons pas sur ce sujet. Ce service fut supprimé sous le premier ’empire : Napoléon croyait n’en pas avoir besoin. On a raconté que cette suppression avait une autre cause, que Garnerin, au soir du couronnement, le 2 décembre 1804, lança de Paris un ballon illuminé par des verres de couleur, qui voyagea toute la nuit, arriva le lendemain à Rome, passa sur le dôme de Saint-Pierre et s’arrêta dans la campagne, au tombeau de Néron. Napoléon, qui était superstitieux, y vit un présage, et pour le détourner, supprima les ballons militaires, On a écrit que celui de Fleurus fut vendu aux enchères publiques. Je tiens d’une personne en position d’être bien informée que cette vénérable et glorieuse relique était conservée à Metz, et qu’elle est tombée aux mains de l’armée allemande.

Mais l’école d’aérostation fut rétablie par la seconde république, installée au parc de Chalais, près de Meudon, d’abord sous la direction du colonel Laussedat ; elle ne cessa de se livrer avec le plus grand soin et une autorité qui grandit tous les jours à l’étude des ballons captifs ou libres et de leur application à l’art de la guerre. C’est là que les capitaines Renard et Krebs ont trouvé toutes les ressources nécessaires pour construire leur aéronef. Il ressemble beaucoup à ses devanciers, dont il ne diffère que par des détails ; son moteur est entretenu par l’électricité, comme celui des frères Ti²sandier, mais il agit avec plus d’énergie ; il donne à l’appareil une vitesse propre de 5m,6 à la seconde, avantage immense, qui dès le premier jour, au milieu d’un air à la vérité très calme, a suffi à vaincre le peu de vitesse que l’atmosphère avait ce jour-là.

C’est un beau résultat, mais on y était préparé : il ne faut pas que l’opinion publique croie qu’il y avait un secret pour la direction des baillons, et qu’il a tout à coup été découvert par les