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L’usage de la langue allemande se propage des villes à la campagne lentement, mais d’une manière continue.

Partout où les Slaves et les Allemands se rencontrent ou se sont mêlés, les recensemens officiels indiquent une diminution croissante du nombre de sujets continuant à parler les idiomes polonais, lithuanien, tchèque ou wende. Les derniers dénombremens fondés sur le langage usuel dans la monarchie prussienne ont été faits en 1858 et en 1861. Or ces recensemens montrent que, dans l’espace de trois années seulement, la proportion pour 100 des individus de langue slave est descendue de 3,3 à 2,1 dans la marche de Brandebourg, de 24,3 à 23,1 en Silésie, de 55,2 à 54,5 dans la province de Posen. En Silésie, les Allemands se trouvent à la fois en contact avec des Polonais et des Tchèques. Ces derniers sont au nombre de 50,000 à 60,000 dans le comté de Glatz et dans la principauté de Troppau, anciennes dépendances, toutes deux, de la couronne de Bohême. Quelques localités de langue tchèque apparaissent, en outre, englobées au milieu de populations parlant polonais, dans les cercles d’Oppeln et de Polnisch-Wartenberg, ou bien au milieu de populations parlant allemand, autour de Sirehlen et dans le cercle de Birnbaum. Les Tchèques du Brandebourg, au contraire, sont déjà germanisés depuis le siècle dernier. Sur les pentes septentrionales des Monts-Sudètes, la race s’est maintenue entre Leobschutz et Ratibor, sur les deux rives de la Zinna, dans 129 communes. A partir de Weissack, sur l’Oppa, la limite des langues pénètre dans la Silésie autrichienne. Autrefois, comme aujourd’hui, la limite des langues était sacrifiée à des considérations d’une autre nature dans les partages territoriaux. Idée toute française, la question des nationalités, ou la constitution des unités politiques fondée sur la race ou le langage, n’a pas encore été adoptée comme règle. D’après le dernier recensement de la population de l’empire d’Autriche sur la base de la langue parlée, fait en 1847, il y avait alors, sur une population effective de 32,573,000 habitans pour toute la monarchie, 6,132,742 Tchèques contre 7,877,675 Allemands. Les Tchèques étaient alors au nombre de 2,925,882 en Bohême, de 1,351,982 en Moldavie, de 92,326 en Silésie, de 1,613,944 en Hongrie, en présence de 1,766,372 Allemands en Bohême, de 483,518 en Moravie, de 234,843 en Silésie. En Moravie et en Bohême, la majorité reste aux Tchèques par la raison que les empereurs de la maison de Hapsbourg n’ont pas su germaniser tous leurs sujets à la façon des rois de Prusse. Aussi la politique du laisser-faire et le respect des nationalités, par l’emploi de la langue propre à chaque pays dans les actes publics, a amené l’empire d’Autriche à l’état de faiblesse où nous le voyons, mûr pour le démembrement. A l’époque de Joseph Ⅱ et de Marie-Thérèse, la langue et l’élément allemands