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lienne, espagnole ou française. Sur la frontière de l’Est, les changemens, beaucoup plus lents et gradués, amènent l’apparition de nouveaux noms sur la carte de la Germanie, par suite de la rencontre et de la réunion d’autres élémens. Les peuples germains occidentaux sont issus du mélange et de la fusion d’une quantité de petites peuplades qui se sont étendues ensemble par-dessus les limites de l’empire romain et figurent plus tard, dans leur domaine définitif, sous des noms nouveaux, après l’introduction d’élémens étrangers. Ainsi, les Suèves ou Juthungen se réunirent aux Alamanns pour former le groupe allemannique-souabe sur les deux versans de la Forêt-Noire. De leur côté, les Amsivariens, venus des bords de l’Ems, s’établirent sur les deux rives du Rhin, au milieu des Francs. Enfin, les Chauds et les Saxons, partis des rivages de la Mer du Nord, s’allièrent aux Chérusques et aux Anguns pour constituer, plus au sud, le peuple saxon. Partout, chez les Germains occidentaux, des élémens d’origines diverses ont pénétré dans les groupes anciens, et les populations primitives n’ont gardé nulle part leur pleine intégrité. Les noms antérieurs se sont conservés seulement là où des souches anciennes sont restées en place sur leur premier territoire, comme pour les Frisons et les Hessois, par exemple. En somme, les mouvemens des peuples germaniques portent le caractère d’une émigration chez les tribus à l’est de l’Elbe, et chez les branches occidentales de la famille celui d’une colonisation progressive.

D’accord avec les faits anthropologiques soumis à l’observation directe, l’histoire du mouvement des migrations à l’intérieur de l’Allemagne depuis les temps les plus anciens concorde à montrer l’introduction d’élémens divers dans la population actuelle de l’empire. Un des derniers dénombremens effectués, celui du 1er décembre 1875, nous apprend que, sur 1,000 individus recensés dans une commune, 353 sont nés dans une autre localité du même district, 80 dans une autre province, 33 dans un autre état allemand, 9 à l’étranger. La proportion par 1,000 des habitans recensés hors de leur province natale varie depuis 12 en Franconie, 14 dans le district de Gumbinnen et 19 à Oppeln, jusqu’à 409 à Hambourg ; 384 à Brème, 356 à Berlin, 174 dans le duché d’Anhalt et 170 dans le Lauenbourg. Par rapport aux grands déplacemens, la Frise, la Hesse, la Westphalie, la Saxe inférieure, sont encore occupées par les descendans des peuplades déjà établies dans ces contrées au temps de Tacite, de même que les descendons des Alamanns ont conservé la possession des mêmes territoires depuis 234 et ceux des Bojnwares ou Bavarois depuis 460, sans subir l’influence des migrations et des déplacemens en masse survenus dans les provinces de l’Est. Au contraire, les pays occidentaux de l’Allemagne ont déversé