Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 66.djvu/957

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Toutes les fois que revient, au déclin de l’année, cette discussion du budget, qui a commencé il y a quelques semaines et qui est loin d’être finie, les républicains de la chambre ont un rendez-vous préféré ; ils se retrouvent invariablement sur un point, sur cette dotation des cultes, qui est pour eux une occasion de déployer leur esprit de secte dans tout ce qu’il a de puérilement haineux. Ils n’y ont pas manqué cette année, pas plus que les autres années ; ils y ont même mis une fureur particulière, comme s’ils avaient voulu prendre leur revanche de la « docilité républicaine » qu’ils venaient de montrer à M. le président du conseil en lui sacrifiant le suffrage universel pour l’élection du sénat. Ils se vengent sur tous les services des cultes ! Vainément M. le garde des sceaux leur a montré qu’ils se trompaient dans leurs évaluations, qu’ils ne savaient pas même ce dont ils parlaient, qu’avec leurs capricieuses diminutions de crédits, ils allaient frapper de vieux serviteurs de leur religion et de leur pays, laisser deux ou trois mille prêtres sans rétribution, désorganiser les services, et que ce n’était pas là de la bonne politique. Les républicains n’y regardent pas de si près ; ils ravagent sans raison, sans réflexion tout le budget des cultes. Ils font main basse sur les chanoines, sur le chapitre de Saint-Denis, sur les vicaires, sur les séminaires, sur le traitement de M. l’archevêque de Paris. Qu’où ne cherche pas à les arrêter, ils ont réponse à tout : ils ont leur concordat et leurs lois à eux qu’ils interprètent de la bonne façon, ils vous diront, par exemple, pour le chapitre de Saint-Denis, que la république n’est pas tenue de payer des chanoines pour garder les tombeaux des empereurs ! Tout cela en vérité est assez honteux et finit par être assez ridicule dans ces débats, où l’on traite les affaires de religion avec des lazzi, où une commission qui croit probablement être sérieuse, se fait représenter par un rapporteur qui se croit de l’esprit parce qu’il parle avec une cavalière et injurieuse brutalité de tout ce qu’il ne sait pas. Une pensée vient cependant à l’esprit au milieu de ces répugnantes discussions, et cette pensée, elle a été exprimée par M. le comte de Mun avec une saisissante ardeur de conviction et de parole. Si l’on veut en finir avec le concordat, prononcer la séparation de l’état et de l’église, si l’on ne craint pas de se jeter ; de jeter le pays dans cette grande aventure, soit ; c’est une politique qui est certainement périlleuse, qui a du moins sa franchise et sa dignité. Tant que le concordat existe, qu’on le respecte sans subterfuge, qu’on cesse d’offrir cet écœurant spectacle des petites persécutions, de transformer en instrument de guerre un pacte fait pour maintenir la paix des pouvoirs et des consciences !

Ce qu’on fait, c’est une guerre de sectaires sans nom et sans dignité ; mais il y a aujourd’hui une chose qui n’est pas sans doute plus grave que toutes ces atteintes aux croyances, à la paix morale du pays, qui a du moins une gravité d’une autre nature, c’est cette impuissance d’une