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commenter par les contemporains la belle Histoire de France de son illustre père. Le présent volume se rapporte aux règnes de Charles V, Charles VI et Charles VII. Avons-nous besoin de rappeler quels événemens tragiques les ont remplis ? Disons du moins que ce troisième volume, en tout semblable aux précédens, heureux par le choix des extraits, ne l’est pas moins par la valeur tout historique de l’illustration. Miniatures, tapisseries, dessins et sceaux de l’époque, on n’a rien négligé de ce qui pouvait servir à replacer le lecteur dans le milieu même et l’atmosphère morale d’il y a quatre ou cinq siècles.

Le très beau livre de M. Désiré Charnay sur les Anciennes villes du Nouveau-Monde est au premier rang de ceux qui mériteraient plus et mieux que le peu que nous pouvons en dire. Il soulève, en effet, l’un des plus curieux problèmes d’ethnographie, d’archéologie, d’histoire que puisse discuter la science contemporaine : comment s’est opéré le peuplement de l’Amérique, et quelle est la race mystérieuse à qui l’on doit faire honneur de ces débris de civilisation qui couvrent en tant d’endroits le sol du Nouveau-Monde ? Ces sortes de questions se décident ordinairement dans le silence, ou, pour mieux dire, le confort du cabinet de travail, ce qui explique assez la diversité contradictoire des solutions qu’elles reçoivent. M. Désiré Charnay a pensé qu’il ne pouvait être mauvais, pour une fois, de les examiner sur les lieux mêmes, et c’est ce qui donne aux Anciennes villes du Nouveau-Monde, avec l’attrait des récits de voyages, la solide autorité qui manque à tant de livres du même genre. Ce ne sont point ici les rêveries d’un archéologue, mais les constatations d’un explorateur ; et les faits ne sont point choisis pour mener à des conclusions bien arrêtées d’avance, mais au contraire les conclusions tirées des faits et commandées par eux. Quant à l’illustration du livre, les conditions mêmes dans lesquelles M. Désiré Charnay a exploré les ruines de l’Amérique centrale en garantissent la sincérité, comme les traditions de la maison Hachette en assurent la beauté.

Le Voyage au Soudan français, du commandant Gallieni, s’il est d’un autre genre, est à peine moins intéressant, ou plutôt, car il faut ici compter avec la diversité des goûts, les esprits., moins curieux de se représenter ce que fut le passé que de se figurer ce que sera l’avenir lui donneront la préférence. S’il est bon d’acquérir des colonies nouvelles, peut-être est-il meilleur de tirer parti, de celles que l’on possède. Ç’a été, voilà trois ou quatre ans, l’objet de la mission du commandant Gallieni dans la vallée du Haut-Niger et le pays de Ségou. En abordant le Soudan par la vallée du Sénégal et du Niger, tandis que le colonel Flatters s’efforçait d’atteindre Tombouctou par l’Algérie et le Sahara, et que M. de Brazza opérait par la voie du Congo et de l’Ogooué, trois missions tendaient de la sorte an même but : la fondation d’une espèce d’empire commercial et politique de la France au centre de