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Louons encore l’illustration en couleurs des Voyages de Gulliver, traduits ou retraduits par M. Gausseron, et publiés également par la librairie Quantin. Mais pourquoi ne lisons-nous pas, au frontispice du livre, comme ordinairement, le nom du dessinateur, M. V. A. Poirson ? Ils sont bien spirituels pourtant tous ces dessins ; d’une fantaisie moins amère que celle du doyen de Saint-Patrick, cela va sans dire, puisque Alceste lui-même, à côté de ce misanthrope, ne serait qu’un simple Philinte, mais d’une fantaisie bien appropriée au caractère amusant que la satire a dû prendre, bon gré mal gré, depuis que l’on s’est avisé de la faire servir à la joie des enfans ; et la couleur se joue le plus heureusement du monde parmi ces lestes et légères improvisations. Si nous avions un choix à faire et des rangs à donner, cette édition nouvelle des Voyages de Gulliver n’occuperait pas la dernière place, et ne nous tenterait certainement pas le moins.

Quant à Madame Bovary, qu’on nous présente avec douze compositions de M. Albert Fourié, — lesquelles n’ont qu’un tort, qui est, en l’habillant des modes d’il y vingt-cinq ans, de faire dater un roman encore jeune aujourd’hui comme à son premier jour, — le volume inaugure une Bibliothèque des chefs-d’œuvre du roman contemporain, où nous aurons sans doute plus d’une occasion de revenir. Contentons-nous donc de le nommer au passage, et demandons seulement, puisque nous parlons de la collection, s’il ne serait peut-être pas temps encore d’y apporter quelques légères, mais utiles modifications, comme d’en rayer le Lorgnon, par exemple ; ou la Guerre du Nizam ; ou encore, sous le nom de Balzac, d’y remplacer le Cousin Pons, trop vanté selon nous, par César Birotteau ?

Nous avons signalé, l’an dernier, une nouvelle édition de Rabelais, illustrée par Gustave Doré, dont la librairie Garnier faisait paraître le premier volume. Nous dirons du second, qui se publie cette année, ce que nous avons dit du premier : c’est que le fécond et merveilleux illustrateur, — non point peintre ni dessinateur, — qui eut nom Gustave Doré, s’il fut aussi bien inspiré quelquefois, ne le fut jamais mieux que lorsqu’il interprétait Rabelais. Cette excessive liberté dans la plaisanterie, qui caractérise l’auteur de Pantagruel, cette audace dans la caricaturé, et, par-dessous tout cela, cette colossale gaité qui ne permet pas, entre lui et le triste Swift, l’ombre seulement d’une comparaison, rien ne convenait mieux sans doute au crayon de Gustave Doré, puisque dans aucune autre de ses a interprétations pittoresques, » il n’a retrouvé la bonne humeur, la verve, et l’esprit même qui animent constamment celle-ci.

C’est dans de tout autres régions que nous fait passer le splendide ouvrage que la librairie Pion vient de consacrer à saint François d’Assise ; le saint qui peut-être, selon la parole de Bossuet, « le mieux connu « ce qui peut arriver de plus doux à une âme vraiment percée des