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soutenir la comparaison et le voisinage du grand romancier anglais, auquel jadis on l’a si souvent égalé.

Le volume de M. Thirion sur les Adam et Clodion, c’est-à-dire sur cette famille ou cette tribu de sculpteurs dont Clodion, — de son vrai nom Claude Michel, — s’il n’a pas lui seul résumé tous les talens, demeure du moins le plus illustre, est un magnifique ouvrage, bien fait, copieusement « documenté, » selon le goût du jour, avec actes de naissances, lettres inédites, catalogue des œuvres, et jusqu’au prix que les moindres d’entre elles ont atteint dans les ventes publiques. L’impression et l’illustration sont dignes de cette collection des Grands Maîtres de l’art, que publie l’éditeur Quantin, et dans laquelle ont déjà paru le Hans Holbein de M. Paul Mantz, le Van Dyck de M. Guiffrey, l’Albert Dürer de M. Charles Ephrussi. Mais, quand nous passerions à M. Thirion la déclaration de principes dont il a cru devoir orner son Introduction, nous craindrions encore qu’il ne nous surfasse un peu son sculpteur. Clodion ne fut qu’un agréable modeleur de terres cuites, à ce qu’il semble, et rien, ou pas grand’ chose de plus. Et quant à la grâce même que l’on s’accorde à louer dans ses Satyres et dans ses Bacchantes, il y aurait à dire, autant du moins qu’on en doive juger par les reproductions que l’on trouve dans ce livre. Dans la plupart de ces groupes, en effet, Clodion excelle à imaginer des arrangemens de jambes d’un effet malheureux et souvent disgracieux.

Aimez-vous beaucoup ce titre emphatique et précieux à la fois : Son Altesse la Femme ? C’est celui du volume que nous offre M. Octave Uzanne, l’auteur du texte de l’Ombrelle et de l’Éventail. On a surtout apprécié dans les deux volumes dont nous rappelons les titres l’invention gracieuse, le caractère aimable et souriant, l’exécution délicate enfin de l’illustration. En dépit de M. Uzanne, et quoiqu’il nous provoque dans sa préface à dire notre pensée de son « olla podrida, si longtemps mitonnée, tour à tour sous le feu clair des ardeurs du lettré, ainsi que sous les flammes languissantes des désillusions, des désespérances et des lassitudes, » c’est encore à l’illustration de Son Altesse la Femme que s’adresseront cette fois nos éloges. De celles de ces gravures qui sont tirées en noir nous ne dirons rien, binon qu’elles sont d’une singulière élégance et d’une grande netteté ; mais celles qui sont tirées en couleurs, par un retour heureux à quelques-uns des procédés du XVIIIe siècle développés et perfectionnés, méritent que l’on s’y arrête. Sans doute, on soupçonne bien, à ne considérer que les moins heureuses d’entre elles, que le procédé n’a pas toujours rendu tout ce que l’on en pouvait attendre. La plupart ne témoignent pas moins qu’il donnera bientôt de remarquables effets, et déjà sept ou huit de ces pages hors texte, sur une douzaine qu’il y en a, sont une fête pour des yeux qui, comme les nôtres, ont toujours souffert de la grossièreté de la chromolithographie.