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REVUE DRAMATIQUE

A PROPOS DE LA RONDE DU COMMISSAIRE

Comédie-Française : les Pattes de mouche. — Vaudeville : l’Amour, place en 4 actes, de MM. d’Ennery et Davyl. — Gymnase : la Ronde du commissaire, comédie en 4 actes, de MM. Henri Meilhac et Philippe Gille. — Divers.

Le choléra, ce nom redoutable, n’a rien tué à Paris que le Maître de forges : il l’a tué pourtant. Étrangers et provinciaux, tout le gibier de trois-centième représentation a pris son vol ; trop effarouché, il n’est pas revenu. Il fallait le fléau de Dieu pour abattre le succès d’un si heureux ouvrage : en mission providentielle, le monstre a passé. Il laissait après lui les pharmaciens déçus et le Gymnase libre ; c’était l’heure, semblait-il, de proposer aux Parisiens une pièce toute parisienne, qu’ils goûteraient volontiers entre eux ; le banquet desservi, la table d’hôte déserte, c’était l’occasion d’un repas de gourmets, tous gens de connaissance, gens de peu d’appétit et de fine bouche, experts à juger de la pointe de la langue et à se communiquer leur jugement d’un clin d’œil : qui donc mieux que M. Meilhac, assisté de M. Gille, était en état de fournir ce régal ? La Ronde du commissaire parut justement sur l’affiche. Sans doute M. Meilhac, vers le commencement de la saison théâtrale, avait vu les Pattes de mouche à la Comédie-Française et l’Amour au Vaudeville. Avant cette épreuve, on donnait couramment aux Pattes de mouche la qualité de chef-d’œuvre, et sans définir quelle sorte de chef-d’œuvre c’était. Apparemment, comme tous les Basques sont nobles, tous les chefs-d’œuvre sont égaux ; la Comédie-Française est leur maison ; Tartufe, les Pattes de mouche… ; on n’eut pas de cesse que ceci ne fût venu se ranger auprès de cela. Mais alors autre gamme : le public ne tira pas de cette reprise tout le plaisir qu’il attendait : est-ce la maison, par une volte-face naturelle, qu’il accusa