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Mac-Carthy pour blâmer la composition du corps des juges de pair en Irlande : « La majorité de la population est catholique, disait l’orateur autonomiste, et cependant la majorité des juges de paix est protestante. — C’est vrai ; répondait M. Trevelyan, mais comment voulez-vous qu’il en soit autrement ? Les lords-lieutenans de comtés, qui dressent, la liste des juges de paix, sont fort restreints dans leurs choix. Il s’agît de fonctions gratuites et même onéreuses. On est forcé de choisir des hommes riches, de grands propriétaires, et vous savez que la plupart sont protestans. Le gouvernement ne peut faire qu’une chose : surveiller les propositions des lords-lieutenans. Il ne manquera pas à ce devoir. » La proposition Mac-Carthy ne réunît que 62 voix.

Le secrétaire principal d’Irlande eut à soutenir une discussion plus sérieuse. Cette fois M. Parnelî était entré personnellement en scène. L’état d’agitation dans lequel se trouvait l’Irlande avait amené le parlement à frapper certaines localités d’une taxe supplémentaire pour des dépenses extraordinaires de police. Plusieurs villes, notamment celle de Limerick, refusaient de payer l’impôt dont il s’agit. Il fallut employer contre elles des moyens de coercition. Le chef du parti irlandais se contenta de combattre ce système d’imposition supplémentaire ; mais un autre député autonomiste, M. Healy, connu pour la violence de son langage, laissa de côté l’objet principal du débat pour se jeter dans une digression sur le traitement infligé aux détenus en Irlande. Il accusa l’administration anglaise de rétablir subrepticement la torture, et, se tournant vers M. Trevelyan, qui causait en souriant avec un autre membre de la chambre des communes, il lui reprocha de s’égayer des tourmens infligés aux patriotes irlandais. Le malheureux ministre, surpris par cette brusque attaque, ne put s’empêcher de dire : « C’est absolument faux. » L’expression n’était pas parlementaire. M. Trevelyan s’empressa de la retirer. Ce n’était pas assez pour les autonomistes irlandais, qui étaient montés au paroxysme de la fureur. Ils voulaient faire voter la censure contre M. Trevelyan et même contre le président de la chambre, parce que ce dernier trouvait suffisante la satisfaction accordée par le ministre d’Irlande. Il y eut une scène tumultueuse qui se termina par le rappel à l’ordre de M. Healy.

À la suite de toutes ces discussions, les autonomistes avaient fini par prendre en horreur M. Trevelyan en voyant qu’il leur tenait tête. Ils ne faisaient plus aucune différence entre lui et M. Forster, l’ancien objet de leur exécration ; ils voulurent à tout prix se débarrasser de lui. C’est ici que la tactique de M. Parneli porta ses fruits. Battu dans les débats parlementaires, le chef du parti autonomiste