Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 66.djvu/915

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une copie de la lettre, se donna le plaisir de rétablir intégralement le texte en pleine chambre des communes.

Était-ce la paix entre le gouvernement anglais et les chefs du parti national irlandais ? Non, mais c’était au moins une trêve. La session d’été s’acheva donc sans luttes ardentes. La loi pour la prévention des crimes et la loi sur les arrérages furent votées avec de légères modifications proposées par les conservateurs et acceptées à titre de transaction par M. Gladstone. Les crimes agraires avaient presque cessé. L’exposition des arts et manufactures d’Irlande s’ouvrit donc le 15 août à Dublin au milieu d’une réelle accalmie. Cette même date avait été choisie pour inaugurer la statue d’O’Connell. Peu de jours après, le droit de cité, dans la capitale de l’Irlande, était conféré solennellement à M. Parnell et à M. Dillon. Pareil honneur avait été fait autrefois à O’Connell.

Un crime affreux vint interrompre cette période de calme relatif. Toute une famille, comprenant le mari, sa femme, sa mère, ses deux fils et ses deux filles, fut égorgée à Maanstrasna par une bande d’hommes masqués. Les assassins furent découverts. Trois d’entre eux furent condamnés et exécutés. On eut plus tard la preuve que la politique était complètement étrangère à ce crime. Le massacre de Maanstrasna était purement et simplement le résultat d’une vengeance privée. Peu de temps après, on eut des inquiétudes pour la tranquillité de Dublin. Les agens de police s’étaient mis en grève. Il fallut en toute hâte organiser des constatées spéciaux, c’est-à-dire appeler les bons citoyens à faire, comme volontaires, l’office d’agens de police. L’affaire, qui n’avait rien de politique, mais qui n’en était pas moins grave, finit par s’arranger. L’année ne se termina pas pourtant sans quelques crimes politiques, une tentative d’assassinat, en plein jour et en pleine rue, contre un juge, M. Lawson, une attaque à main armée contre les agens de police, dans Abbey-street. La sécurité n’était donc pas complètement rétablie.

Il y avait toutefois une grande différence entre cette situation et celle qui existait avant le pacte de Kilmainham. M. Parnell exécutait fidèlement les conditions du traité. Son influence s’employait dans le sens de l’apaisement. Il n’était pas tout-puissant cependant, même en dehors des sociétés secrètes, qui échappaient presque complètement à son action, et certains groupes politiques avaient quelquefois à son égard des velléités de résistance. Pendant l’automne de 1882, il fit de grands efforts pour donner plus de cohésion au parti national irlandais. Il y réussit dans une certaine mesure. Le 17 octobre s’ouvrit une conférence nationale irlandaise ayant pour but d’amener un accord entre les diverses fractions du parti. On y décida la formation d’une Ligue nationale irlandaise dans laquelle