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logerions sans peine deux canons de 14cm et quelques mitrailleuses. Sans doute, nous ne lui donnerions pas pour trois mois de charbon. M. Gougeard se borne à faire parcourir au sien 1,800 milles à la vitesse, réduite de 10 nœuds. Nous ne sommes pas plus exigeans.

Il nous suffit d’arriver aux mêmes parcours avec des bateaux de 300 à 350 tonneaux, qui ne coûteront pas plus d’un million chacun et qui, secondés par des torpilleurs, seront les meilleurs instrumens de la guerre maritime de l’avenir.

Ou nous pardonnera de faire encore un calcul, ce sera le dernier. M. Gougeard a établi, dans sa brochure, que, pour finir les quatorze cuirassés que nous avons sur chantiers ou en achèvement à flot, une somme de 130 millions serait nécessaire. Enlevons de cette somme 14 millions à consacrer aux croiseurs, aux réparations, aux économies, il nous restera 116 millions, avec lesquels on pourrait constituer la première flotte légère du monde. Elle comprendrait cinquante-huit canonnières de 14cm à 1 million chacune, et deux cent trente-deux torpilleurs à 250,000 francs. Avec une pareille force, nous serions irrésistibles dans la Méditerranée et invincibles sur l’océan. Mais on préfère continuer à engloutir des millions en constructions de cuirassés qui n’ont jamais servi à rien, qui ne serviront jamais à rien ! On affirme, pour justifier cet aveuglement, que nous avons déjà soixante-dix torpilleurs qui suffiront à la défense de nos côtes. C’est tout à fait inexact. La plupart des torpilleurs que nous possédons sont de vieux modèles, doués d’une vitesse de 11 à 12 nœuds seulement, et qui d’ailleurs sont dans un état tel, que si la guerre éclatait demain, il serait tout à fait impossible de s’en servir. Ils sont attachés à la défense mobile de nos ports, et on les emploie quelquefois à des promenades en mer, afin de s’assurer que leur machine est en bon état. Mais on n’a jamais essayé leur appareil militaire, ou plutôt ils n’ont pas jusqu’ici d’appareil militaire. On ignore quel genre de torpille devra être placé sur chacun d’eux, on ne sait pas davantage quels officiers les conduiront au combat. Le personnel ne manque pas moins que le matériel. Il ne se forme jusqu’ici que sur le Japon, car ce n’est que là qu’on fait des tirs de torpilles automobiles. Les torpilleurs 63 et 64 eux-mêmes ont fait d’excellentes expériences de navigation et de tactique, mais presque pas d’exercices de tir. Tous les hommes compétens affirment qu’en cas de guerre subite, nous ne pourrions pas mettre vingt torpilleurs en ligne sur les soixante-dix qui figurent ans les listes officielles ; et pourtant ce sont les premiers coups portés par les petits bateaux qui seraient les plus terribles et qui décideraient de la victoire. Il n’est que temps d’aviser. Deux dépêches ministérielles récentes ont mis à l’étude un projet d’organisation de personnel pour les torpilles automobiles et pour la