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canonnières, ils n’en demandent qu’une seule. « Certainement, disait le Marineverordnungsblatt du 15 novembre 1883, certainement la puissance d’un canon monstre est redoutable. Mais un projectile moins puissant ne pourrait-il pas suffire pour arriver à la mise hors de combat de l’adversaire ? Sur mer, les chances d’atteindre sont très faibles, à cause des mouvemens du but et du navire. Un canon de petit calibre est beaucoup plus facile à manœuvrer et on peut avoir avec lui un tir plus précis. Si un coup est perdu, la perte n’est pas aussi grande que s’il s’agit d’un projectile de 10, 15 ou 20 quintaux des canons de 50, 75 ou 100 tonnes. Toutes les pièces, d’ailleurs, sont au même degré exposées au feu de l’ennemi. Un coup à la bouche suffit pour mettre un canon hors de service ; et plusieurs pièces de petit calibre, dont le feu serait dirigé contre un canon placé dans une tour cuirassée, ne tarderaient pas à le condamner au silence. Ne pourrait-on pas, avec un petit vaisseau armé de trois ou quatre canons légers et dont les parties virales seraient protégées par une cuirasse, s’attaquer avec succès à l’arrière d’un vaisseau tel que l’Inflexible ou l’Italia, et, profitant de la rapidité du tir, compter aussi sur un coup à la bouche, ou bien tout renverser et tout briser dans les parties non cuirassées ? Non ! nous ne voulons point de canons monstres sur nos beaux et puissans vaisseaux. Nous devons adopter des pièces plus mobiles et plus faciles à servir. Laissons aux géans les canons monstres. Ils offrent un but trop étendu aux coups ennemis et trop de chances d’être atteints. »

Pénétrés de ces vérités, nous allons d’abord chercher quel est le canon que nous pourrions utiliser dans notre marine pour la guerre que nous croyons être la guerre de l’avenir. Nous verrons ensuite sur quels bâtimens spéciaux on pourra l’établir. La marine française compte huit canons de divers calibres, et chaque canon de même calibre représente différens modèles (modèle 1875, modèle 1880, etc.). Il en résulte une complication de manœuvres qui exige de la part des officiers et des matelots des études et des exercices compliqués. Pour remplir le rôle nouveau réservé à l’artillerie, le canon de 16cm est un peu fort et surtout un peu lourd à porter. Il ne conviendrait pas à de petits bateaux. Le canon de 14cm n’est pas parfait ; le canon de 15cm, que possèdent les Italiens et les Allemands, serait préférable. Mais nous n’avons pas ce modèle et il faut bien se servir de notre matériel. Au reste, les effets destructeurs du canon de 14cm sont très suffisans ; il est léger et peut être mis aisément sur de petits bateaux ; le maniement en est très facile, la manœuvre aisée à comprendre ; son projectile, qui pèse 30 kilogrammes, fera en un quart d’heure plus de ravages que les boulets des gros canons ; car on suppléera à l’effet du boulet-monstre par le nombre des