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LA RÉFORME DE LA MARINE




TORPILLEURS ET CANONNIÈRES




I.


Sommes-nous à la veille d’une révolution maritime qui devra transformer et les instrumens de la guerre sur mer et les institutions administratives de la marine ? Telle est la question qui a été posée, depuis quelques mois, avec un grand retentissement, non-seulement en France, mais en Europe, où elle soulève partout des discussions passionnées. Pendant les années qui ont suivi les grandes catastrophes de 1870-1871, il semblait que tous les peuples n’eussent qu’une pensée, qu’une préoccupation : la lutte sur terre, la guerre continentale, et c’est à organiser des armées nombreuses et puissantes que chacun d’eux consacrait tout ce qu’il avait de ressources et d’énergie. On songeait peu à la marine ; parfois même, comme chez nous en 1872, sous prétexte que son rôle était diminué, son importance affaiblie, on n’hésitait pas à lui imposer de grands sacrifices, afin de développer à ses dépens les forces dont on croyait avoir un besoin immédiat contre un ennemi qui ne pouvait pas, pensait-on, nous attaquer sur mer. C’était agir à la manière de ces Athéniens de Démosthène, qui portaient immédiatement la main sur la blessure dont ils venaient d’être atteints sans prévoir jamais celles qui allaient les atteindre sur une autre partie d’eux-mêmes. Le réveil de la politique coloniale, le goût des entreprises lointaines, dont la reprise si subite en France était pourtant si naturelle et si opportune qu’on a vu peu à peu toutes les nations euro-