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jour, on puisait de la semence dans le matras mis à l’étude, et l’on ensemençait des liquides préparés et cultivés d’après les conditions ordinaires ; on obtint tous les degrés de virulence, depuis le virus qui envahissait les veines des bœufs et des chevaux jusqu’à celui qui ne tuait que les plus faibles animaux, comme des souris ou des cobayes âgés de quelques jours. Ces résultats s’obtenaient rapidement : au bout de huit à neuf jours, les liquides ensemencés restaient stériles ; la semence mise à l’étuve était morte.

Alors eurent lieu, sur la demande de la Société d’agriculture de Seine-et-Marne et de son président, M. le baron de La Rochette, ces grandes expériences de Pouilly-le-Fort, qui eurent un si éclatant retentissement. Après avoir été vaccinés, les moutons, les chevaux, les vaches résistaient, sans aucune exception, à l’inoculation du charbon le plus dangereux. Sans exception aussi, les animaux non vaccinés, ceux qu’on appelait les témoins, périssaient.

Ces découvertes jetèrent une vive émotion dans le monde médical. Mais, de tous côtés, les expériences furent répétées avec un succès si constant que les contradicteurs furent réduits au silence. M. Pasteur et ses habiles collaborateurs, MM. Chamberland et Roux, trouvèrent moyen de donner à leur invention une application industrielle. Dans les pays où sévissait le charbon des tubes à vaccin furent expédiés. Louis Thuillier, ce jeune savant si regretté de ses amis, qui devait aller mourir du choléra en Égypte, fut envoyé alors à Berlin ; ses expériences, faites à la ferme de Packish, imposèrent silence aux plus ardens contradicteurs de son illustre maître, même à ce docteur Koch, devenu célèbre en France depuis le choléra de Toulon, et qui avait dit : « L’atténuation des virus ? Ce n’est pas possible, car ce serait trop beau. » Aujourd’hui les vaccinations se comptent par centaines de mille, et le nombre des échecs survenus au début, dus à l’imparfaite connaissance et à de maladroites applications de la méthode, ne dépasse pas quelques dizaines.

La virulence s’atténue ; peut-elle s’augmenter ? Cette étrange propriété, cette force dont on constate les effets sans en connaître les causes, impénétrables à la chimie et à la médecine, cette sorte de réaction de la vie sur la vie, peut-on en provoquer le retour ? Oui, a répondu M. Pasteur, mais ce n’est plus par la méthode des cultures dans des liquides appropriés, c’est par la culture dans l’organisme vivant. Les bactéridies atténuées, inoculées à un cobaye, puis à un autre, après la mort du premier, enfin essayées sur un mouton, ont repris leur virulence. Le caractère est variable, et la science est devenue maîtresse de l’effacer ou de le raviver.

De là M. Pasteur a tiré une explication très vraisemblable de l’apparition des épidémies. Voici quelques lignes écrites récemment