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bable l’explication de ces fléaux par le développement, dans l’organisme, de parasites microscopiques. Que peut-on entendre par un miasme ? Qu’a-t-on reçu d’un malade lorsque, pour avoir serré sa main ou respiré l’air de sa chambre, on est infecté du même mal ? Il faut supposer qu’une petite partie du poison qui est dans ses veines a passé dans celles du nouveau malade. Mais quel est ce poison ? C’est un poison qui se multiplie. Il apparaît à un endroit ; il s’attaque à un organisme, il l’a bientôt envahi tout entier ; puis il passe à d’autres et dévaste toute une contrée. Les poisons les plus actifs de la chimie minérale ou organique, l’arsenic ou la strychnine, ne sauraient tuer qu’un nombre déterminé d’individus ; le mal cesse quand la provision malfaisante est épuisée. Au contraire, le mal dont nous parlons gagne de proche en proche sans s’épuiser. C’est un poison qui se reproduit et se multiplie, par conséquent un poison vivant, un virus.

Rappelons ce qui est nécessaire au développement des microbes de toute sorte : l’humidité, la chaleur, la nourriture. Ainsi se constitue le milieu de culture. Humidité, chaleur, nourriture, sont admirablement fournies par le corps de l’homme ou des grands animaux ; et, quand certains germes y pénètrent, il n’y a point de raison qui les empêche de s’y multiplier et d’y exercer des ravages.

M. Bastian et les savans qui persistaient à expliquer la fermentation par le système de Liebig protestèrent naturellement contre cette théorie des maladies contagieuses. Liebig lui-même avait dit de la petite vérole : « Par le contact du virus, le sang subit une altération à la suite de laquelle ses élémens reproduisent de nouveau le virus. Cette métamorphose ne s’arrête qu’après la transformation complète de tous les globules décomposables. » Au congrès de Londres, en 1880, M. Bastian soutint que la présence des microbes dans le sang des malades était l’effet et non la cause de la maladie. « Prenez, lui dit M. Pasteur, un membre d’un animal, broyez-le, laissez s’épancher dans ce membre, autour de ces os broyés, autant de sang et d’autres liquides normaux ou anormaux qu’il vous plaira. Veillez seulement à ce que la peau du membre ne soit ni déchirée ni ouverte, et je vous porte le défi de faire apparaître les jours suivans, et pendant tout le temps que durera la maladie, le moindre organisme microscopique dans les humeurs de ce membre. » M. Bastian n’accepta pas le défi et fit bien. À l’heure où il parlait, de trop nombreuses expériences prouvaient que le virus introduit dans le sang, après avoir traversé la peau et forcé cet appareil défensif donné par la nature à l’animal, y apporte la maladie et la mort.

Bien autrement clairvoyant, le grand physicien Tyndall écrivait