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en dégager. La science reconnaît à la composition moléculaire les corps auxquels il convient de donner les noms de exothermiques ou endothermiques ; les uns sont le résultat d’une dépense et les autres d’une absorption de force vive. La force apparaîtra sous forme de chaleur, dès qu’elle ne sera plus employée, sous forme d’énergie chimique, à maintenir ensemble les élémens du corps composé. Mais aucun indice ne révèle la présence de la vie ; elle est latente, ou bien elle est envolée ; on l’apprendra si la plante sort de terre. On ne peut pas savoir à l’avance si l’on a devant soi un germe ou bien un cadavre.

Quand les germes, — doués de vie latente, — rencontrent un liquide organique tel que le sang, l’urine, le moût de raisin, ils y pullulent rapidement, attaquent et décomposent la matière organique, provoquent des dégagemens de gaz. Il y a moisissure, fermentation, putréfaction. Mais les substances qui peuvent être ainsi décomposées par des êtres vivans sont-elles capables de donner naissance, dans des conditions favorables, à des êtres vivans ? La substance du sang qui se putréfie, du moût qui fermente, substance dans laquelle le microscope va nous faire voir une multitude de ces êtres, s’est-elle organisée par l’effet d’une force plastique résidant en elles ? Ou bien ce champ fécond serait-il resté stérile s’il n’avait point été ensemencé ? Dans les liquides organiques exposés à l’air, si l’on en croit M. Pouchet, la matière organique devient organisée. Invariablement apparaissent les kolpodes, les infusoires, les vibrions, les levures, les moisissures. — Non, répondit M. Pasteur ; si ces liquides ne contiennent point de germes et si la rentrée des germes est évitée, les liquides resteront invariablement purs. Le microscope n’y fera découvrir aucun être organisé. Il n’y aura ni moisissure, ni fermentation, ni putréfaction.

Les expériences de M. Pasteur, pendant cette discussion, furent variées et nombreuses. Il constata que l’ouate filtrait l’air et le dépouillait de germes. Un vase fermé par un tampon d’ouate et flambé, c’est-à-dire porté à 120 degrés, pour tuer les germes contenus dans le vase et dans le coton, conserve purs les liquides organiques lorsqu’ils ont été stérilisés par la chaleur. Avant de filtrer l’air par le coton, il avait songé à lui faire traverser, pour rentrer dans les vases où les liquides avaient bouilli, un tube de platine chauffé au rouge. Mais les hétérogénistes avaient protesté. Faire bouillir les liquides, chauffer l’air, c’était détruire cette force plastique, ce primum movens qui produisait l’hétérogénie. Le coton était moins meurtrier sans doute ; mais M. Pasteur arriva à se passer même du coton. Il effila à la lampe d’émailleur le col de ses vases et montra que l’air, en passant par un long tube effilé, se dépouillait de ses poussières et n’altérait pas les liquides. Incli-