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supérieurs. Dans les fermentations, l’être microscopique agissait sur la matière morte ; dans les maladies, il agit sur un vivant, et il y a une sorte de lutte entre les deux existences. Après les découvertes de M. Pasteur sur la maladie charbonneuse, ses travaux sur la rage vont servir de couronnement à son œuvre. Détruire ce mal mystérieux aura été un bienfait inestimable ; découvrir le parasite presque invisible caché dans les replis de la matière cérébrale, atténuer sa virulence, et, l’employant comme un vaccin, rendre l’animal réfractaire au virus rabique le plus violent, sera le chef-d’œuvre d’un observateur de génie.

Les travaux de M. Pasteur, on le voit, avant d’arriver à cette superbe conclusion, se suivent et se complètent comme les chapitres d’un beau livre. On dirait que, dès l’origine, il a eu l’intuition du but qu’il devait atteindre. Cependant, jamais savant ne s’est moins fié à ses intuitions et n’a été un expérimentateur plus rigoureux.

Si l’on veut bien comprendre l’œuvre de M. Pasteur, il faut lire ses deux écrits sur le vin et sur la bière ; puis le livre de son éminent élève M. Duclaux, intitulé : Fermens et Maladies. Nul enseignement ne donnera mieux l’idée du rôle immense joué dans la nature par les êtres microscopiques : êtres que leur petitesse dissimule à nos yeux, mais que leur effrayante fécondité répand autour de nous en quantités innombrables. On devra lire aussi cette Histoire d’un savant par un ignorant qui aurait été mieux nommée : Histoire d’un homme de science par un homme d’esprit. Ce récit est à la fois plein de charme, de clarté, et d’une érudition puisée à bonne source. L’écrivain a suivi l’ordre chronologique ; il aurait suivi le même ordre exactement s’il avait voulu composer un nouveau traité de biologie d’après les travaux du grand savant français, car toutes ses découvertes sont les parties, régulièrement disposées, d’un même ouvrage. Nous allons essayer de les résumer ; mais, avant les travaux que nous avons cités, il en est deux que nous devons rappeler : ils servent en quelque sorte d’avant-propos et de préface à tous les autres.


II.


Le premier des travaux qui aient fait connaître le nom de M. Pasteur fut une étude sur les cristaux de l’acide tartrique et de l’acide paratartrique. Le sujet paraît bien éloigné de ceux qui ont occupé depuis le grand physiologiste. On va voir pourtant comment sa première découverte avait déjà trait aux phénomènes de la vie.

Mitscherlich avait dit que le tartrate et le paratartrate de soude, semblables par la composition chimique, par la forme cristalline,