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exposé les convictions auxquelles sa vie scientifique l’avait conduit et les conséquences qu’il avait tirées de ses belles études. Ses découvertes occupent, dans les théories relatives à l’évolution de la vie, une place considérable. Il serait d’un haut intérêt d’étudier à ce point de vue les travaux de M. Pasteur ; mais, aujourd’hui, c’est du côté de leur utilité pratique que nous voulons les examiner.


I.


M. Pasteur a été en rapport, suivant la nature des travaux dont il était occupé, avec les viticulteurs, auxquels il a fourni la méthode du chauffage des vins ; avec les fabricans de vinaigre, auxquels il a appris à reconnaître le mycoderme qui produit la fermentation acétique, et à le cultiver avec pureté, en évitant l’invasion d’autres fâcheux mycodermes, qui prennent la place du premier et détruisent son œuvre ; avec les brasseurs, qui, s’ils avaient mieux profité de ses leçons, auraient été certains de ne jamais fabriquer de bière aigre ou visqueuse ; avec les éleveurs de vers à soie, qui lui doivent, dans certains pays, le salut de leurs magnaneries ; enfin, avec les médecins, que la précision de ses méthodes a étonnés, et qui n’ont pas accepté sans protestations des résultats incontestables. Dernièrement encore, on disait à l’Académie de médecine : « Le système de M. Pasteur, — malgré son apparente simplicité, — nous conduit à un véritable chaos médical. » Ces mots étaient vertement relevés par M. Bouley, l’éminent physiologiste qui a pris au Jardin des Plantes la succession de Claude Bernard. Il déplaisait aux médecins de voir expliquer les causes des maladies, comme celles des fermentations, par la théorie des germes : ces germes, cultivés à part, puis inoculés, et donnant la maladie et la mort avec certitude, ces vaccins prévenant la maladie avec la même certitude, ces agens meurtriers ou prophylactiques, absolument réguliers dans leurs effets, trouvaient des incrédules. La vérité, — personne n’en saurait plus douter, — est que si les médecins refusaient d’entrer dans la voie féconde que M. Pasteur leur a ouverte, ils auraient perdu une occasion unique de sortir de leur chaos médical.

On a pu deviner, d’après la nomenclature que nous venons de donner des travaux de M. Pasteur, qu’il existe entre eux une gradation régulière. Il observe d’abord l’action des germes ou des êtres microscopiques sur une substance organique, telle que le vin ou le moût de bière, et nous verrons comment il reconnaît la fonction, utile ou malfaisante, de chaque espèce déterminée. Puis il passe à l’étude des parasites microscopiques agissant sur un être vivant, tel que le ver à soie, et il arrive enfin aux maladies des animaux