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LES


LES TRAVAUX DE M. PASTEUR


Notre siècle aura demandé aux sciences la satisfaction de deux goûts bien différens. Il a d’abord le goût de la vie confortable et facile et fait grand cas des progrès industriels qui ajoutent au bien-être de l’existence. Il a ensuite le goût de la philosophie appelée positive, et pense tirer de l’étude des sciences des clartés nouvelles sur l’origine et la nature de tout ce qui nous entoure. Cette manière de raisonner est, à vrai dire, devenue à la mode dans la plupart des écoles : on trouve de la physique, de la chimie, de l’histoire naturelle dans les ouvrages des philosophes de toute opinion, même dans les sermons de quelques prédicateurs.

De là résulte que, pour beaucoup d’esprits, la science est le moyen de poursuivre un rêve, plutôt qu’elle n’est le but de la vie. Tel savant est à la recherche d’un brevet d’invention, tel autre à la poursuite d’une théorie de l’univers. Bien peu cultivent la science pour elle-même, pour le plaisir de pénétrer quelque secret de la nature, pour la satisfaction et l’honneur qu’il y a à comprendre et à savoir ! Dans le monde utilitaire, la lampe d’Edison a plus d’admirateurs que la planète de Le Verrier. Beaucoup de gens ignoraient le nom de M. Pasteur avant qu’il eût promis de supprimer les chiens enragés. Du côté des philosophes, on ne retient, de tous les merveilleux livres de Darwin, qu’une hypothèse sur la descendance de l’homme.

Cependant, entre l’intérêt utilitaire et l’intérêt philosophique, il y a un intérêt scientifique proprement dit. La recherche curieuse et désintéressée n’est point stérile, même si l’on ne fait cas que des