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Quelques jours après avait lieu, en séance publique, le scrutin définitif sous les yeux mêmes du souverain pontife, qui avait enfin attaché à la tiare cette couronne si longtemps contestée. La minorité, sentant toute résistance inutile, s’était résolue à ne pas affliger Pie IX en renouvelant publiquement devant lui ses votes dissidens. Qu’elle l’ait fait ou non de propos délibéré, le dogme récemment inscrit au Credo catholique a de cette façon, comme elle le réclamait d’avance, obtenu du concile la presque unanimité. Deux voix seulement contre 533, la majorité ayant grossi d’un scrutin à l’autre, s’obstinèrent à la négative. Les chefs de l’opposition avaient quitté Rome la veille après avoir inutilement envoyé une ambassade au pape pour tenter de faire atténuer les termes de la définition. Cette sorte de retraite au moment décisif leur a été presque aussi sévèrement reprochée que l’avait été leur persistance à se mettre en travers de l’opinion dominante et leurs efforts pour faire échouer ou ajourner l’infaillibilité. Il serait assurément facile de relever chez la minorité plus d’une inconséquence, de signaler chez elle des alternatives de décision et de découragement, de résistance et de reculade ; mais un concile n’est pas une assemblée politique, où des partis sans foi commune, séparés par des haines invétérées, se font un devoir de rester jusqu’au bout fidèles à leurs principes ou à leurs passions. Des évêques, délibérant la mitre au front, dans une basilique, sous les yeux du père commun des fidèles et sous les ailes invisibles de l’Esprit saint, que tous sentaient planer au-dessus d’eux ; des évêques, également dévoués à l’église et au saint-siège, redoutant par-dessus tout le scandale des discordes intestines en face de l’impiété aux aguets, résignés d’avance pour le maintien de l’unité à toutes les défaites et les humiliations, mettant leur vertu et leur honneur à se soumettre, ne pouvaient combattre en irréconciliables, avec les révoltes de la chair et l’orgueil de l’esprit, un dogme dont le triomphe paraissait de jour en jour plus assuré, auquel croyaient, pour la plupart, ses adversaires mêmes et que tous étaient résolus d’avance à accepter du concile. Ce qui devait triompher au Vatican, ce n’était pas seulement la papauté élevée définitivement sur la tête de l’épiscopat, c’était, grâce à la soumission de tous les pères, l’unité, la cohésion de l’église rendue plus frappante par l’ardeur de ses controverses, remarquable privilège et force singulière en un temps où toutes les influences traditionnelles semblent en train de se dissoudre.


VII

Ce qui nous intéresse surtout, ce sont les résultats pratiqués, c’est l’impartial jugement des faits que rendent tôt ou tard les