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pontificales, la majorité du clergé et des catholiques militans avait fini par y être peu à peu conquise. La révolution, qui semblait devoir ébranler jusqu’en leurs fondemens les bases de l’église, — la révolution, qui allait bientôt et si aisément renverser le trône temporel de la papauté, — avait, par une de ces réactions de tout temps communes, par un de ces contre-courans si fréquens dans l’histoire, tourné à l’exaltation de la chaire de Saint-Pierre et provoqué, par contre-coup, un nouvel ultramontanisme plus agressif et plus intempérant, autrement impatient et téméraire que celui des Bellarmin et des Liguori. La reconnaissance de l’infaillibilité pontificale était, du reste, le couronnement naturel de tout l’édifice catholique, le dernier mot d’une centralisation religieuse que tous les bouleversemens contemporains et toutes les découvertes modernes n’ont fait que rendre plus étroite et plus facile. C’était le terme logique auquel aboutissait toute l’histoire de l’église et de la papauté depuis les siècles où, sous les pieds de la Rome impériale, dédaigneusement ignorante des obscurs pontifes qui devaient succéder aux césars, la main d’un peintre des catacombes, faisant de Pierre le nouveau Moïse, le chef du peuple de Dieu, donnait au frère d’Aaron les traits traditionnels du pêcheur de Galilée et, à côté de la symbolique figure de Moïse qui frappe le rocher d’Horeb, écrivait Petrus, comme pour bien indiquer que toute grâce vient par Pierre et ses successeurs.

Dans un concile réuni, en 1869, à Rome, à l’ombre du palais pontifical, sous les voûtes de la grande basilique élevée à la gloire du prince des apôtres ; dans un concile en majorité composé de prélats italiens, grossi de nombreux vicaires apostoliques et d’évêques in partibus dépendant directement du Vatican et de la Propagande, avec le mode de recrutement actuel de l’épiscopat, pour la plus grande partie nommé en dehors de l’état, uniquement par le saint-siège, les doctrines romaines, repoussées ou tenues en échec par des conciles tout autrement constitués et rassemblés sous des influences différentes, étaient manifestement assurées de triompher. Les adversaires de la définition de l’infaillibilité avaient beau avoir pour eux le prestige des grands sièges épiscopaux, la science des hommes et des choses, l’appui moral des gouvernemens, la vive éloquence latine des Haynald et des Strossmayer et l’autorité de ces grands évêques dont un historien du concile nous a donné une si vivante galerie de portraits, leur cause, dès qu’elle était portée à Saint-Pierre, était perdue d’avance.

Une seule chose eût pu prévenir leur défaite : l’intervention des puissances civiles. La plupart le sentaient. C’est pour cela qu’en cette occasion, les catholiques d’ordinaire les plus enclins à se