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les régimes les plus divers, sans doute parce qu’il n’était dévoué qu’à L’ultramontanisme. Il semblait alors avoir pour devise le Victrix causa diis placuit du poète païen. Faisant bon marché des libertés publiques et de la parole jurée, il avait au nom de l’église salué le coup d’état et applaudi au rétablissement de l’empire. Non cotnent d’acclamer la dictature subrepticement relevée en France, l’Univers s’était plu à railler les vaincus, à les conspuer et à les bafouer, piétinant avec joie sur le » libertés et les libéraux. « La France, disait-il quelques jours après le premier plébiscite, la France rejettera le parlementarisme comme elle a rejeté le protestantisme, ou elle périra en essayant de le vomir… Le peuple a dit à un homme : « Mes orateurs me fatiguent, débarrasse-moi, gouverne-moi[1]. » A cette époque où le pays, si longtemps enclin à l’idolâtrie de la parole, se montrait dédaigneux des joutes oratoires, les pieux panégyristes de l’absolutisme allaient jusqu’à faire l’apologie du silence au nom de l’évangile, qui proscrit les paroles inutiles. Ces nouveaux adeptes du culte de la force et de la fortune condamnaient le fond comme la forme des revendications libérales ; ils ne craignaient pas de nier la notion même du droit humain, interdisant le mot droit à la bouche des peuples comme à celle des individus, sous le prétexte, erroné du reste, que ce mot ne se rencontre point dans l’Écriture.

On vit ainsi durant des années le tribun ultramontain prêcher, au nom de Dieu et au nom du peuple, l’absolutisme spirituel et temporel, se complaisant à foire l’éloge de l’inquisition, de la Saint-Barthélémy, de la révocation de l’édit de Nantes, de tous les crimes et de toutes les fautes dont l’église avait le plus d’intérêt à se laver ; se faisant, au profit du nouveau césarisme, le théoricien de la force et du despotisme militaire ; enseignant, suivant un sophisme que, par une significative rencontre, j’ai retrouvé à l’autre extrémité de l’Europe chrétienne, — chez les slavophiles moscovites, — que toute constitution rompait l’unité sociale et établissait un dualisme dont le résultat était d’annuler l’un par l’autre les deux termes du régime constitutionnel.

Or, parmi les vaincus du coup d’état et de l’empire, parmi les orateurs dont l’Univers se réjouissait devoir les lèvres closes, se trouvaient les plus vaillans champions de l’église, notamment les auteurs de la loi de 1850. Ils étaient tombés, avec la tribune, d’où, leur voix avait si fortement retenti pour la défense de la religion et de la papauté. L’un d’eux, il est vrai, leur premier chef, esprit ardent, impétueux, primesautier, Montalembert, s’était, durant quelques jours, en partie sous l’influence de l’Univers,

  1. Univers du 26 décembre 1851.