que la ville était voisine du palais, et persister à placer Laurente sinon à Tor-Paterno même, au moins dans les environs. Bonstetten se refuse tout à fait à le croire, et il lui semble que ce lieu ne convient aucunement au récit de Virgile. Tor-Paterno, dit-il, n’est qu’à 500 mètres du rivage : Laurente devait être beaucoup plus loin. Dans aucun des combats qui se livrent autour de la ville de Latinus, il n’est question de la mer, tandis que Virgile en parlait sans cesse quand on se battait devant le camp des Troyens. Ce raisonnement a tout à fait convaincu Nibby, et c’est ce qui l’a décidé à reculer Laurente au milieu des terres, jusqu’au casale di Capocotta, où il avait découvert quelques débris antiques. Reprenons à notre tour la question, et voyons s’ils ont bien interprété l’un et l’autre ce que nous dit Virgile.
Est-il vrai d’abord qu’il ne soit jamais fait aucune allusion au voisinage de la mer dans les deux derniers livres de l’Enéide ? Bonstetten l’affirme, et Nibby le répète après lui ; mais je crois qu’ils vont trop loin tous les deux. Le roi Latinus, dans le sacrifice qui précède le combat de Turnus et d’Énée, commence par attester la terre, la mer et le ciel qu’il sera fidèle à ses promesses : cœlum, mare, sidéra juro. Or nous savons que les Romains étaient des gens formalistes et minutieux, qui tenaient avant tout à être parfaitement bien compris de ceux auxquels ils avaient affaire. Aussi, dans les prières qu’ils adressaient aux dieux, avaient-ils l’habitude de toucher ou de montrer les objets dont ils prononçaient le nom, pour qu’il n’y eût aucune confusion possible. Je me figure donc que la mer devait être assez voisine du lieu d’où parlait Latinus, qu’on pouvait au moins l’apercevoir, et que sa main tournée vers elle, au moment où il la prenait pour témoin de sa sincérité, devait rendre son serment plus précis et plus solennel. Un peu plus loin, quand le combat est entamé, il est fait mention d’un olivier sauvage, dédié à Faunus, qui s’élève au milieu de la plaine. « C’était un arbre vénéré des matelots. Quand ils s’étaient sauvés d’un naufrage, ils venaient lui apporter leurs offrandes et suspendaient leurs vêtemens à ses branches. » J’avoue qu’il ne m’est pas possible de supposer que l’arbre « cher aux matelots » fût placé au milieu des terres. Catulle nous apprend que, dans leurs dangers, ils ont coutume de s’adresser « aux dieux du rivage ; » c’est aussi à quelque arbre du rivage que, délivrés du péril et en possession de la terre ferme, ils doivent venir suspendre leurs vêtemens humides. Il est naturel qu’ils soient pressés de rendre grâces aux dieux et qu’ils les remercient de leur protection en face même des flots où ils ont manqué périr. Aussi voyons-nous que, dans les paysages antiques qui représentent le bord de la mer, les artistes aiment à peindre de petites