les maladies. En 1570, dans le port de Zara, la flotte vénitienne, « sans avoir frappé un coup d’épée, » perdit près de 40,000 hommes (y compris la fleur de la milice italienne). Le mal prit naissance dans la chiourme et gagna la troupe. Devant Malte, en 1565, sur les côtes de l’île de Chypre, en 1571, les Turcs ne furent pas plus heureux : « Il n’est point, observe de nouveau avec son incontestable compétence l’auteur de l’Armata navale, de meilleur préservatif contre ces désastres que l’embarquement de bons vivres ; le siècle, par malheur, est si corrompu que mille fraudes s’exercent au détriment du prince et de ses équipages. Les contrôleurs eux-mêmes se laissent souvent gagner. Il est bon alors que des gentilshommes graves, connus par de longues épreuves et versés dans les choses maritimes, viennent visiter les vaisseaux à l’improviste avec une autorité suprême. »
La ration du forçat dans le port se composait, au XVIIIe siècle, de 30 onces de biscuit et d’une soupe dans laquelle 3 onces de fèves avaient pour assaisonnement 1/4 d’once d’huile d’olive. À la mer, cette soupe ne se distribuait que tous les deux jours pour deux raisons : il est difficile de bien faire la cuisine pendant que la galère est en marche, et il importe de ne pas alourdir la chiourme ; l’embonpoint serait aussi nuisible au rameur qu’au cheval de course. « Il faut, nous dit le capitaine Pantero Pantera, soumettre le galérien à un exercice constant qui consume les humeurs superflues et maintienne le corps sain et sec. »
Croirait-on qu’il ait jamais pu exister des heures de joie et des jours de fête dans l’enfer que nous venons de décrire ? Si le capitaine Barras de La Penne ne nous l’affirmait d’une façon aussi positive, je me permettrais d’en douter. « Quand on est mouillé dans un bon port, nous dit l’ancien page du roi Louis XIV, il semble que toute la galère ne soit qu’une hôtellerie. On y voit des tables de poupe à proue et des gens autour qui ne manquent pas d’appétit. La cheminée, qui n’est que de toile, fume depuis la pointe du jour jusqu’à la nuit. Manger et boire font quelquefois, pendant une journée entière, l’occupation de l’équipage et de la chiourme. On tâche alors de réparer le temps perdu, car il arrive quelquefois à la mer qu’on est trois jours de suite sans pouvoir allumer du leu. Le roi donne aux forçats le pain, les fèves, les habits et le logement ; il leur permet, en outre, de se procurer par leur travail de quoi se régaler. » Quelle naïve ironie daris les quelques mots qui précèdent : « Le roi donne à ses forçats le logement ! Le reste du morceau est sur ce ton : « La chiourme, continue Barras