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transaction qui triomphe aujourd’hui dans ses affaires intérieures. Cette réforme électorale, qui a été depuis bien des mois l’objet de débats si passionnés, touche, en effet, au succès par un dénoûment tout pacifique. Après bien des luttes ardentes, chefs libéraux et chefs conservateurs paraissent s’être définitivement rapprochés. Ils se sont entendus sur les conditions de la réorganisation des districts électoraux qui doit accompagner l’extension du droit de suffrage. La paix s’est faite dans la liberté. C’est là, on l’avouera, une manière d’entendre le régime parlementaire qui a son efficacité et sa grandeur.

Le nouveau parlement allemand élu il y a quelques semaines, complété par les scrutins supplémentaires qui en ont peu modifié la composition, vient de se réunir à Berlin presque en même temps que cette conférence, imaginée d’une manière un peu inattendue par M. de Bismarck pour créer tout un ordre de rapports internationaux au Congo. Cette session nouvelle, inaugurée par un discours de l’empereur Guillaume, ne pouvait certes commencer dans des conditions plus calmes, et le vieux souverain a pu, sans affectation d’orgueil, tracer un tableau flatteur des affaires de l’empire, du rôle de l’Allemagne en Europe, de son influence dans le monde. L’empereur Guillaume a semblé prendre un plaisir particulier à représenter L’entrevue de Skierniewice comme la consécration nouvelle de l’amitié qui l’unit aux souverains de Russie et d’Autriche, « avec lesquels il est spécialement lié par les traditions de famille, par la parenté et par le voisinage. » Il est allé plus loin en assurant que cette amitié, de nouveau scellée à Skierniewice, ne sera pas troublée de longtemps, qu’elle reste la solide garantie d’une paix durable, en représentant la conférence même du Congo comme un signe de plus de la confiance qui existe entre les états étrangers et l’Allemagne. Rien donc de plus pacifique, de plus rassurant que ce discours du vieux souverain dans tout ce qu’il dit de la politique extérieure, de l’état général de l’Europe. Les affaires de l’empire ne sont cependant pas sans nuages sous d’autres rapports. Si ce n’est l’extérieur, c’est l’intérieur qui ne laisse pas d’avoir ses parties faibles. L’Allemagne, elle aussi, a ses crises économiques, ses difficultés financières. Il y a les insuffisances de revenus publics, les déficits du budget, la perspective de nouveaux impôts à créer. La politique de réformes sociales dont l’empereur lui-même traçait le programme il y a trois ans n’a peut-être pas produit non plus tout ce qu’on en attendait. Sur tous ces points incertains et obscurs de la situation de l’empire, le discours du vieux souverain ne répand que peu de lumières ; il laisse croire tout au plus qu’il y a beaucoup à faire. Reste à savoir si le parlement qui vient d’être élu se prêtera plus que celui qui l’a précédé à tout ce qu’on aura à lui demander, s’il ne sera pas même quelquefois embarrassant par ses résistances ou par ses initiatives, C’est là la question.