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prochaine, et ce n’est point sûrement avec un régime parlementaire ainsi pratiqué, subordonné aux passions et aux calculs de parti, qu’on se crée la possibilité de rétablir les finances françaises.

Il en sera de la France, de sa politique orientale et de ses finances, ce que nos pouvoirs décideront, ce que le gouvernement voudra maintenant qu’il a les crédits qu’il demandait. L’Europe, quant à elle, est pour le moment dans une de ces phases où les grandes affaires semblent quelque peu sommeiller, où la diplomatie est tout au plus occupée du Congo et de l’Égypte. La conférence nouvelle, dont M. de Bismarck a pris l’initiative pour régler les questions africaines, est maintenant, en effet, réunie à Berlin. L’Angleterre, qu’on supposait un peu récalcitrante, s’est empressée, au contraire, de se rendre à l’appel qui lui était fait, et les représentans de toutes les puissances en sont à délibérer gravement, paisiblement, sur ce qu’il faut entendre par le « bassin fluvial » ou le « bassin commercial » du Congo. Il n’est pas certain que même sur cette définition un peu théorique l’entente soit bien facile. Qu’a voulu réellement M. de Bismarck en provoquant la réunion de cette conférence de Berlin à propos du Congo ? Il a été sûrement préoccupé de la future extension coloniale de l’Allemagne. Peut-être aussi n’a-t-il point dédaigné l’avantage d’associer ostensiblement la France à un acte de diplomatie proposé par lui. Dans tous les cas, en dehors des intérêts commerciaux ou coloniaux qui sont en jeu, cette conférence un peu improvisée ne laisse pas de soulever des questions qui pourraient certainement devenir assez sérieuses. C’est la première fois, il nous semble, que des états européens, civilisés, se réunissent et se concertent pour disposer de territoires livrés jusqu’ici à des peuplades à peu près inconnues, à des tribus sauvages. C’est la barbarie qu’on dépossède dans l’intérêt de la civilisation, soit ! Il y a là seulement une limite assez délicate à fixer et, sans rien préjuger, il y aurait peut-être de la prévoyance à éviter le plus possible de créer d’une manière en quelque sorte officielle, dans ces contrées lointaines, de nouvelles et inévitables compétitions européennes. Quant aux affaires d’Égypte, elles semblent passer maintenant par une péripétie nouvelle. Jusqu’ici, le cabinet anglais avait paru attendre le retour de son plénipotentiaire, lord Northbrook, pour arrêter ses résolutions. Il semblerait aujourd’hui décidé à substituer aux propositions de lord Northbrook un programme tout différent de réorganisation financière pour l’Égypte, et il est assez probable que dans ses résolutions nouvelles il s’est préoccupé de donner satisfaction aux intérêts européens.

L’Angleterre veut maintenir sa position en Égypte, cela n’est pas douteux. Elle n’a aucune raison de rompre violemment avec l’Europe sur une question d’un ordre universel, et il n’est point impossible qu’elle mette dans sa politique extérieure un peu de cet esprit de