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en ce qui concerne l’océan, comme la loi de décroissance est régulière pour l’azote et moins simple pour l’oxygène, le rapport de ces deux substances n’est pas invariable. Selon M. Tornöe, il y a un peu plus d’oxygène à la surface que la théorie me l’indiquerait, et, comme chacun pouvait s’attendre, on en trouve un peu moins dans les zones où la vie animale est largement développée On aurait cru aussi à l’influence des nuages ou des rayons salaires sur le gaz absorbé par les vagues : mais en réalité ces facteurs n’ont aucune importance ; en dépit des théories de Morren, Lewy, Hayes. Nous étonnerons peut-être plusieurs de nos lecteurs en disant que les pressions si effroyables qui s’exercent sur les abîmes de la mer n’ont aucun effet sur la dose relative des gaz contenus dans l’eau, ni même sur leur proportion absolue, qui s’écarte peu de 21 centimètres cubes par litre d’eau salée[1]. Dans un siphon d’eau de Seltz, il suffit cependant, objectera-t-on, d’un excès de pression de quelques atmosphères pour forcer la liqueur à absorber beaucoup plus d’acide carbonique. Le fait invoqué est exact, mais les circonstances ne sont plus les mêmes : l’acide carbonique d’une part, repoussé par la pompe, est forcé de pénétrer dans l’eau et ne peut en sortir, parce que les molécules non dissoutes appuient sur la surface et s’opposent à tout dégagement ; au lieu que, dans les fonds sous-marins, d’autre part, le poids qui écrase les couches inférieures est une simple colonne liquide non susceptible de retenir les gaz.

Il y a fort peu d’acide carbonique libre dissous dans l’eau de mer, mais ce même corps doit s’y présenter à l’état de combinaison, puisqu’il se dépose du carbonate de chaux dans les marais salans. Les premiers chimistes croyaient ne recueillir que le gaz non réuni aux bases, et ils arrivaient à des résultats fort divergens, leurs nombres variant parfois du simple au décuple, selon les méthodes et les observations. M. Tornöe, il y a quelques années, a repris complètement la question et a fini par conclure à la non-existence de l’acide libre, ses devanciers ayant recueilli les produits de la décomposition de certains carbonates ou bicarbonates contenus dans le liquide et facilement dissociables à la température de l’ébullition. Il ajoute, comme preuve à l’appui, que l’eau de mer bleuit sensiblement la teinture de tournesol, ainsi que d’autres principes colorés plus délicats que les chimistes modernes ont à leur disposition, par exemple l’acide rosolique, et conclut finalement à la

  1. C’est-à-dire qu’un litre d’eau de mer recueilli à la surface ou ramené des grandes profondeurs, soumis à l’ébullition, dégage une masse gazeuse, laquelle, débarrassée du peu d’acide carbonique qu’elle renferme, occupe 21 centimètres cubes à 0 degré et sous la pression normale de 0m,760.