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largement profité. Nous n’en finirions pas si nous décrivions tous les appareils qui ont été mis en usage pour recueillir l’eau des couches profondes sans laisser échapper les gaz emprisonnés dans le liquide. Puis, l’échantillon une fois ramené à bord, quelles difficultés pour le transvaser ! quelles précautions à prendre pour le conserver et l’analyser ! Et tout d’abord faut-il procéder, au dosage sur-le-champ, à bord même du vaisseau, de crainte d’une altération subséquente ? Beaucoup d’hydrographes ont suivi strictement cette règle : malheureusement les manipulations qui se réalisent malaisément dans une cabine de navire, lorsque le temps est beau, pour peu que le vent fraîchisse, deviennent impossibles, à cause du roulis. Si le chimiste préfère ne commencer ses opérations qu’après son retour et dans son laboratoire, n’est-il pas à craindre qu’une partie des gaz ne se soit échappée pendant l’intervalle ? De plus, il faut que chaque manœuvre, même la plus simple, soit faite par des mains exercées ou tout au moins surveillée de près par un homme compétent ; il ne suffit plus de se faire rapporter par un marin intelligent le contenu d’un flacon propre, qu’on a rempli en le plongeant dans la mer suspendu à une ficelle : en un mot, le chimiste doit se résigner aux ennuis d’une longue et fatigante campagne. Actuellement, on trouve commode de scinder en deux la série des travaux : après que le liquide a été puisé, on le transvase avec toutes les précautions requises et on le fait bouillir, ce qui expulse les gaz ; ensuite ceux-ci, recueillis et mis de côté, ne sont examinés qu’à terre, la croisière une fois terminée. On doit à un savant allemand, le docteur Jacobsen, explorateur en 1870 et 1871 de la Baltique et de la mer du Nord, cette méthode, si pratique suivie plus tard par les savans de l’expédition (norvégienne, MM. Tornöe, Svendsen et Schmelck (1876-1878).

L’air dissous dans l’eau de mer n’a pas la même composition que le fluide que nous respirons et il diffère assez peu sous ce rapport du gaz que renferment les sources et les fleuves. Cette divergence a même été invoquée comme une preuve de ce fait que l’air est un simple mélange et non une combinaison chimique. Effectivement l’oxygène, qui ne fait partie de notre atmosphère que pour 1/5 environ, se trouvant plus soluble dans l’eau que l’azote, forme à peu presse tiers du volume gazeux total que l’ébullition peut expulser ; quant aux deux autres tiers restant, ils sont constitués d’azote presque pur. On voit en physique que le volume de gaz absorbable par un liquide diminue rapidement quand la température s’élève, et c’est ainsi que, chauffée aux environs de 60 degrés, l’eau ordinaire perd ses dernières traces d’air en se mettant à « chanter ». Les eaux froides sont plus riches en air que les eaux tièdes ou chaudes et,