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En ce qui concerne l’argent, notre compatriote Proust, dès 1787, en avait soupçonné l’existence dans l’océan et l’avait attribuée aux trésors des vaisseaux naufragés, surtout à ceux des galions espagnols. Mais cette explication conduit à supposer qu’une quantité invraisemblable de lingots auraient été engloutis. En réalité, la dose par mètre cube a beau être infime, elle donne un total énorme, et l’on a pu dire justement qu’il y avait plus d’argent en circulation dans les vagues qu’entre les mains des hommes. D’après Tuld (1859), des doublages en cuivre de navires qui avaient circulé devant plusieurs années dans le Pacifique auraient été notablement argentés grâce à une sorte de phénomène de galvanoplastie ou de précipitation chimique : toutefois, la métamorphose n’est pas heureuse, car, si le cuivre s’est enrichi de 1/2 pour 100 d’argent, il s’est aussi complètement détérioré. Terminons ce rapide aperçu de richesses dont nous ne profiterons jamais en indiquant leur véritable origine, selon Malaguti : il s’est dissous dans les mers et il continue de s’y dissoudre encore de grandes masses de sulfure de plomb ou galène, minéral très répandu sur notre globe, et la galène est presque toujours mêlée de sulfures d’argent et de cuivre. Grâce au sel marin, les trois métaux sont ramenés à l’état de chlorures. Quant au fer, sa diffusion dans l’écorce terrestre est si grande, qu’il faudrait s’étonner de ne pas en trouver à la suite d’une analyse bien conduite, et nous ferons la même remarque au sujet de l’acide phosphorique.

Marchand, en 1850, avait séparé quelques milligrammes de lithine d’un fort volume d’eau recueilli près de Fécamp, et plus tard M. Bunsen n’eut pas de peine à confirmer ses recherches, grâce à la sensibilité de la méthode spectroscopique et aux caractères tranchés qu’offre la flamme colorée par la lithine. Plus récemment, M. Dieulafait a étendu à presque toutes les mers du globe ces résultats particuliers, tout en observant l’accumulation des sels de lithium dans les boues et résidus des marais salans. Ces déterminations délicates et inutiles en apparence ont eu du moins l’avantage de démontrer que la Mer-Morte est un bassin indépendant et non un résidu abandonné par la Mer-Rouge : les analyses chimiques et spectrales ont démontré, en effet, que le lac Asphaltite ne renfermait ni iode, ni argent, ni lithine, tandis que toutes ces matières se rencontrent dans le Golfe-Arabique, qui ne diffère en somme des autres mers du globe que par la forte densité de ses eaux soumises à une évaporation plus active.

La question que nous allons effleurer maintenant, celle de l’air dissous dans l’océan, est fort délicate par elle-même, en sorte qu’elle a donné lieu à une foule de controversés dont la science a