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symptômes, qui précèdent la prostration et la mort. Avec 60 ou 80 grammes, un chien de moyenne taille succombe, et, pour tuer un cheval en douze heures, il suffit de lui faire absorber 1/400e de son poids de sel.

La potasse et les bromures, matières relativement peu abondantes, s’accumulent de plus en plus dans les eaux mères, qui finissent par se concentrer suffisamment pour donner lieu à des exploitations industrielles rémunératrices. Balard découvrit le brome en 1826, dans les salines de la Méditerranée, mais cet élément est bien moins rare dans les flots de la Mer-Morte, d’où on le retirera peut-être un jour. Il y a dix-huit siècles, les Romains, à ce que raconte Pline, se faisaient apporter à grands frais jusqu’en Italie l’eau du lac Asphaltite, dont ils prisaient beaucoup les propriétés curatives. Au reste, cet excès de bromure, correspond exactement à l’accroissement de salure totale, de sorte que la composition relative du résidu sec est la même pour l’océan que pour le liquide apporté de la Terre-Sainte, sauf quelques restrictions dont nous parlerons plus loin. En d’autres termes, une eau marine quelconque évaporée à un degré convenable ne se distinguerait pas d’un échantillon puisé dans la Mer-Morte, et serait tout aussi délétère pour les êtres vivans. L’eau du centre du lac tue en peu d’heures, selon M. Lortet, certains petits poissons d’une espèce particulière qui fourmillent dans les lagunes du bord, parce que ces lagunes, sont chargées de soude, mais pauvres en magnésie, dont la proportion est plus forte partout ailleurs.

On considérait autrefois la glace marine comme formée d’eau pure solidifiée retenant, par adhésion mécanique, des traces de liqueur salée. Une compression énergique pouvait faire expulser ces traces de liquide étranger, et, dans tous les cas, acides et bases devaient se retrouver dans le résidu de la dessiccation en proportions invariables, comme dans la mer. En réalité, la question de la composition chimique de la glace de l’océan Arctique est autrement complexe, mais elle gagne en intérêt ce qu’elle perd en simplicité. Quand on refroidit artificiellement de l’eau salée, une petite partie échappe à la solidification ; si on goûte ce résidu non congelé, on lui trouve une saveur amère insupportable, et l’analyse chimique prouve que presque toute la magnésie s’y est concentrée. Quant au bloc fondu, s’il est bien homogène, s’il n’est pas criblé de trous, et si on l’a fait bien égoutter au préalable, il peut fournir une boisson fort passable. Les glaces naturelles des mers boréales sont souvent humectées d’une espèce de saumure (brine) qui constitue la partie dont le froid n’a pu venir à bout, et quelquefois cette liqueur épaisse baigne des cristaux de nature spéciale,