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ses états, à peine d’être condamnés, si on les y rencontre encore, ce délai expiré, à servir comme rameurs suc les galères royales. Il enverra des hommes d’un caractère ferme et sévère veiller à l’exécution de cette ordonnance. Ces délégués trouvent-ils quelque vagabond sans moyens d’existence connus, ou qui, ayant un métier, ne l’exerce pas, quelque misérable qui ne soit le serviteur de personne ; peuvent-ils mettre la main sur un de ces êtres sans aveu, que l’on désigne à Naples sous le nom de coltellatore, — donneur de coups de poignard, — de smargiasso, — tueur de gens, — espèce d’hommes oisifs, joueurs, blasphémateurs, insolens, qui ne portent l’épée que pour molester, injurier, menacer, brutaliser les personnes paisibles, ils ne perdent pas leur temps à lui faire son procès ; ils le font saisir à l’instant même et mettre incontinent à la chaîne. Par ces mesures sommaires, le prince obtiendra un double avantage : il acquerra de bons galériens et rendra en même temps à ses états un service signalé en les purgeant de toutes ces immondices. Qu’il n’hésite pas à traiter de la même façon les fourbes, les fripons, les fainéans, les faux infirmes, les gentilshommes tombés dans l’indigence, les fous, les possédés, les soldats revenus de la guerre qui s’en vont dans les rues demander l’aumône, et qui passent le reste de leur temps dans les hôtelleries, à jouer, à voler, sans crainte du jugement de Dieu, au grand scandale de ceux qu’ils rendent témoins de leur perversité, au plus grand détriment encore des véritables pauvres, qu’ils rendent suspects. Contre tous ces gens-là, monstres plutôt qu’hommes, un bon prince ne craindra pas d’exercer son autorité pour le bénéfice de la chose publique ; il les fera d’abord incarcérer, puis visiter par les médecins et par quelques personnes au fait du métier de la mer. Tous ceux qui seront en état de manier la rame, on les enverra sur les galères. Le prince pourvoira ainsi d’une manière licite à ses besoins ; il soustraira, en outre, par sa résolution vigoureuse, ces malheureux trafiquans de pauvreté au danger qu’ils courent journellement de perdre leur âme ; peut-être même en leur faisant honte de leurs erreurs, finira-t-il par les ramener à une meilleure vie. »

La presse, si longtemps usitée en Angleterre pour le recrutement des équipages, cette arme de guerre dont un acte du parlement pourrait encore, dans un urgent besoin, munir les officiers de la couronne, différait-elle beaucoup par ses procédés du régime violent préconisé avec tant de ferveur par le capitaine Pantero Pantera ? « C’est horrible, mais c’est bon, » disâiten1839 le commodore Napier. Il existait cependant, de l’aveu du capitaine Pantero Pantera lui-même, des moyens moins violens, moyens plus coûteux peut-être, presque aussi efficaces en revanche que la presse, pour assurer, au XVIe siècle, le service du prince. On pouvait, par exemple,