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en Europe l’énorme masse d’eau formée par l’union des courans équatorial et polaire.


III

L’eau de mer est une solution saline fort complexe : l’analyse chimique y décèle des radicaux halogènes, simples comme le chlore et le brome, ou composés comme l’acide sulfurique, et quatre principes basiques : la soude, la magnésie, la chaux et la potasse. Le chlore est de beaucoup le principe le plus abondant, et plus de la moitié du poids total des matières salines doit lui être attribuée ; la soude vient ensuite. La magnésie et l’acide sulfurique, d’une part, et deux substances beaucoup plus rares, la chaux et la potasse, d’autre part, sont contenus en proportions peu différentes. Quant au brome, il n’a été découvert que beaucoup plus tard, grâce aux investigations de Balard : c’est dire qu’il est encore moins abondant.

Ouvrez n’importe quel ouvrage de chimie ou de physique du globe et vous y verrez que l’eau de mer contient, par litre, tant de chlorure de sodium, tant de sulfate de magnésie, tant de chlorure de magnésium, etc. Ces affirmations sont absolument hypothétiques, car nos connaissances en chimie ne sont pas suffisantes pour permettre de semblables conclusions. L’analyse montre qu’il y a dans un litre de liquide tant de chlore, tant d’acide sulfurique, tant de magnésie… Mais comment ces divers radicaux sont-ils unis ? On l’ignore absolument[1], car si l’on compose artificiellement une solution dans laquelle on mette en présence deux acides et deux bases seulement, il se produit un partage suivant des règles encore mal connues et fort peu simples : chaque acide absorbera une partie seulement de chaque base, et les bases, de leur côté, neutraliseront chacune une fraction seulement des deux acides. Bien mieux, si l’on mélange deux dissolutions : l’une de sulfate de soude, par exemple, et l’autre de chlorure de magnésium, on obtient une mixture constituée de chlorures de sodium et de magnésium, d’une part ; de sulfates de soude et de magnésie, d’autre part. Dans un seul cas, le phénomène se simplifie : c’est celui où, par la combinaison de deux des principes, il peut se former un troisième sel insoluble ; alors une des bases, par exemple, peut attirer complètement l’un des acides. L’union formée, le composé se précipite.

  1. Toutefois, à cause de l’énorme prépondérance du chlore et du sodium, on est en droit d’affirmer que le chlorure de sodium est plus abondant à lui seul que l’ensemble de tous les autres sels.