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commodore Müller (à la Martinique, en janvier 1879), la déperdition durant le même laps de temps serait plus forte encore et atteindrait 7mm ¾. Le météorologiste norvégien Mohn s’est occupé de la même question ; ses nombres sont variables, mais naturellement beaucoup plus faibles, puisqu’il s’agit d’une zone froide de notre globe.

L’eau douce se solidifie à 0 degré, mais un liquide chargé de sels se concrète à des températures plus basses ; la règle est à peu près la même que pour le maximum de densité : seulement l’eau très peu salée subit sa contraction avant de se convertir en glace, tandis que l’eau de mer normale n’acquiert son volume minimum qu’en état de surfusion, c’est-à dire maintenue artificiellement à l’état fluide dans des tubes capillaires. Dans cette condition, nombre de substances, et l’eau entre autres, sont en effet susceptibles de se refroidir bien au-dessous de leur point de congélation, tout en restant liquides.

Dans la Baltique et dans la Mer-Blanche, dont les eaux, jusqu’à une certaine profondeur, sont peu riches en sels, les glaces se forment à la surface, dès que la température de l’atmosphère ambiante s’abaisse suffisamment, tandis, qu’immédiatement au-dessous, se trouvent des couches plus denses et relativement chaudes (+2° à +3°). Mais imaginons qu’au-dessous d’une certaine épaisseur d’un liquide saumâtre et tiède par lui-même, circule un courant salé froid (— 1° ou — 2°) : ce dernier provoquera dans les couches mixtes intermédiaires un tel refroidissement qu’une masse de glace se formera dans l’intérieur de l’océan, aux dépens de la zone la moins salifère. Le bloc une fois formé remontera jusqu’au niveau libre en vertu de sa légèreté spécifique. C’est justement ce qui se passe près des embouchures des grands fleuves sibériens ; et la Lena surtout déverse une énorme masse d’eau tiède qui surnage aux flots salés venus des régions polaires. Même pendant les saisons les plus favorables, l’été et l’automne, le navigateur circule au milieu de glaçons flottans qui sont une cause continuelle de dangers pour son navire, et pourtant un thermomètre baigné par les vagues accuse plus de 0 degré. Comme l’épaisseur de la partie chaude est variable suivant les années, les parages, et les vents régnans, on conçoit que certains voyageurs aient déclaré impraticables des traversées que d’autres explorateurs ont facilement accomplies. Le passage du nord-est, le long de la côte sibérienne, ne pourra jamais devenir une voie régulière pour le commerce, à moins qu’à force de sondages répétés, suivis d’études attentives, on ne débrouille à la fin, dans les phénomènes qui nous occupent, des lois régulières et périodiques.

Le physicien suédois Edlund, ayant interrogé des pêcheurs