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point de sondage, mais elles se maintiennent toujours, à partir de quelques mètres, entre des bornes très rapprochées (entre + 1° et — 1°,5). MM. von Otto et Palander ont observé — 3°, 2 à l’ouest du Spitzberg par 142 mètres et, non loin de ces mêmes parages, Leigh Smith lut — 5°, 1 sur l’échelle de son appareil qu’il avait immergé à un millier de mètres. Aucun hydrographe, aucun marin, n’a jamais signalé d’eau plus froide.

Parlons maintenant des flots superficiels. La mer, à cause de sa forte chaleur spécifique et de son faible pouvoir conducteur, joue le rôle de modérateur, à peu près comme le volant d’une machine en mouvement. L’hiver, elle est plus chaude ; l’été, elle est plus fraîche que l’air ambiant et la différence est d’autant plus accusée qu’on s’éloigne davantage des côtes. Dans les « calanques » de Provence on a pu observer, suivant la saison, tantôt 0 degré, tantôt 25 degrés, mais, au large, les limites sont incomparablement plus étroites : 18 degrés en hiver et 19 degrés en été pour le golfe du Lion.

Dans les Nuées, Strepsiade refuse de payer ses créanciers qui osent lui soutenir la fixité du niveau de la mer, au lieu que l’élève de Socrate est persuadé que, recevant tous les fleuves, la mer doit s’accroître indéfiniment. Le phénomène de l’évaporation était mal connu à cette époque, ce qui est bien naturel ; mais, au XVIIe siècle, le père Fournier, religieux fort érudit pourtant, plutôt que de recourir à cette explication bien simple, parle de fissures ou crevasses souterraines par où s’engouffrent les eaux de la Baltique et de la Méditerranée, sans cesse gonflées par les rivières qui s’y jettent et accrues par les courans du Sund et du détroit de Gibraltar. Pendant ces trois dernières années, la question de l’évaporation de l’eau de mer a été à l’ordre du jour, grâce aux intéressantes discussions qui se sont élevées entre MM. Roudaire et de Lesseps, partisans de la « mer saharienne, » et leurs adversaires, en tête desquels on doit nommer M. Cosson. Le point capital était de savoir si, tout en dépensant une somme énorme, on ne risquait pas de doter l’Algérie d’un marécage insalubre. D’accord avec le commandant Roudaire, la sous-commission de l’Académie des Sciences était d’avis que, toutes choses égales d’ailleurs, l’eau salée s’évaporait bien moins rapidement que l’eau pure. Les expériences exécutées par M. Dieulafait dans son laboratoire de la faculté de Marseille, et en Camargue, près des Saintes-Maries, indiquèrent au contraire une perte presque égale, dans les deux cas, de l’eau douce et de l’eau de mer. Ajoutons, pour donner une idée des nombres absolus, que les étangs saumâtres des Bouches-du-Rhône laissent se dissiper dans l’air au mois de juillet une couche de 0m,006 par chaque période de vingt-quatre heures. D’après les mesures du