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sauraient être à + 4°, comme le soutiennent encore quelques auteurs. De plus, un petit excès de sels dissous alourdit une couche d’eau dont la température est moyenne, en sorte qu’une zone froide est souvent superposée à une autre zone plus chaude, mais plus salée. Aussi bien que la surface, l’intérieur de l’océan est sillonné par une infinité de courans, les uns tièdes, les autres glacés, qui s’enchevêtrent, se mêlent, se séparent de nouveau, et il est bien difficile de trouver par le raisonnement ce que l’expérience seule peut donner. Même variété dans les densités des échantillons ramenés par la sonde. Enfin la complication devient encore plus grande si l’on réfléchit que l’eau n’est pas absolument incompressible, que chaque couche d’une profondeur de dix mètres exerce une pression verticale équivalant à peu près à une atmosphère, dont l’action ajoutée à celle des parties supérieures pèse sur le liquide inférieur, de sorte que vers 4,000 mètres il s’établit une force écrasante de 400 atmosphères. Une eau doit être forcément pesante quand elle est pressée avec tant d’énergie, et dès lors l’influence de la salure ou de la température devient minime dans ces gouffres insondables. Quand même par impossible les cavernes de l’abîme seraient baignées d’un fluide assez chaud et presque doux, il ne pourrait remonter à la surface. La question des températures sous-marines a donné lieu à maintes controverses. Quelques savans, comme Perron, qui accompagna le capitaine Baudin dans son voyage, soutenaient que, même près de la zone équatoriale, les grands fonds supportaient un froid éternel, tout comme les cimes des plus hautes montagnes. Cette opinion prêtant à de belles antithèses avait déjà été proposée auparavant, puisque Mairan et Buffon l’avaient combattue. Passant d’un extrême à l’autre, l’auteur des Époques de la nature imagina d’attribuer aux profondeurs océaniques une température fort élevée à cause du voisinage du feu central. Denis de Montfort et Humboldt sont d’avis qu’au-delà des parties superficielles il règne une température constante, particulière à chaque station et sensiblement égale à la température moyenne annuelle du lieu. Pour des parages où la profondeur n’est pas énorme, et dans certains bassins particuliers, l’assertion de Humboldt est exacte : ainsi, M. Marion, professeur à la faculté des sciences de Marseille, a observé qu’à partir de 100 mètres et jusqu’à 3,000 mètres, un thermomètre qu’on descend dans la Méditerranée accuse 13 degrés, été comme hiver ; ce chiffre de 13 degrés est peu inférieur à la moyenne annuelle de la Provence occidentale. Selon M. Tornöe, qui a croisé durant deux étés entre la Norvège et l’Islande, les températures successivement indiquées par les instrumens plus ou moins enfoncés varient irrégulièrement suivant le