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dans la Baltique, sous les climats froids où l’évaporation est faible, l’eau superficielle est légère et peu salée. Celle des fjords norvégiens est saumâtre, et, dans le golfe de Bothnie, c’est-à-dire au fond de la Baltique, le liquide est potable à la rigueur. Les glaciers du Groenland et du Spitzberg déversent en été des torrens d’eau douce qui tendent à dessaler les parages environnans. Il n’existe également que fort peu de sel dans les flots de la Mer-Blanche, de la mer de Kara et de l’Océan sibérien. Par un cas inverse, la Méditerranée, qui ne reçoit pas autant de cours d’eau, ni surtout aussi puissans (toute proportion gardée), mais qui, en revanche, se trouve exposée aux ardeurs d’un soleil brûlant, se concentrerait indéfiniment par l’évaporation, si, grâce au détroit de Gibraltar, un courant inférieur d’eau moins lourde ne lui était envoyée par l’Atlantique. Des pluies abondantes peuvent encore jouer un certain rôle : raison de plus pour que les vagues méditerranéennes conservent leur densité. Sous les tropiques, l’évaporation est naturellement très forte, mais le liquide ainsi concentré est puissamment dilaté par la chaleur, de sorte que les deux effets opposés se compensent grossièrement.

Dans tous les anciens livres qu’on a écrits sur la physique du globe et même dans beaucoup d’ouvrages plus récens, on ne fait aucune différence, au point de vue de la lui importante du maximum de densité, entre l’eau salée et l’eau douce. Celle-ci ne se dilate par la chaleur qu’à partir de + 4° centigrades, mais de 0° à + 4° elle se contracte quand on l’échauffe, en sorte qu’à 4 degrés elle est plus dense qu’à n’importe quelle autre température. Dans les pays tempérés, le liquide des fonds de lacs suffisamment profonds se maintient à peu près à + 4°, grâce à sa pesanteur, qui l’empêche de remonter à la surface et de se mélanger avec les parties plus froides ou plus chaudes, et aussi parce que l’eau conduit très mal la chaleur. Il est donc fort difficile qu’en hiver la congélation se produise au-delà de la superficie, et lorsqu’arrive l’été, les couches inférieures restent fraîches, circonstance favorable aux poissons qui vivent dans ces lacs.

Les phénomènes sont bien différens, lorsqu’il s’agit de l’eau de mer, et surtout bien autrement compliqués. Plus le liquide salé est pesant et riche en matières dissoutes, plus le point de densité maxima s’abaisse. Le chimiste et hydrographe suédois Ekmao, à la suite de longues séries d’expériences relatives à cette question, a trouvé que cette température critique peut tomber jusqu’à — 4° avec de l’eau de l’Atlantique. Les propriétés d’une liqueur saumâtre, puisée dans un fjord par exemple, seraient naturellement intermédiaires entre celles d’une eau très pure et celles d’une eau très salée. Ainsi les parties profondes des abîmes océaniques ne